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Interview sur l'Exoconférence

L’EXOCONFERENCE : ENTRETIEN


Ça fait longtemps que vous vous intéressez à ce sujet, avec ce présupposé : vous croyez qu’il y a une vie extra-terrestre…


C’est compliqué car c’est comme tous les sujets que tu fantasmes quand tu es petit : il suffit de te mettre à l’étude pour en avoir une nouvelle vision. Alors que ce qui te donne envie de faire une œuvre dessus, c’est justement le fantasme que tu en as, voir même l’ignorance. Car toutes les zones vides, tu les remplis avec des idées à toi et ça devient quelque chose de très sensuel. Le chemin que tu fais jusqu’à l’écriture, fait de compréhension et de rencontres avec des gens qui passent beaucoup plus de temps que toi sur ce genre de sujets, modifie ton fantasme et fait même en sorte que ça n’en soit plus un. C’est déstabilisant car tu perds cette chose sensuelle, et en même temps, quand je fais ça, j’acquiers une avance sur le public. Oui, je vis avec ça depuis toujours et, pour faire ce spectacle, j’ai fait tout ce que je n’avais jamais fait avant : je me suis plongé dedans avec la volonté de ne rien croire et j’y ai trouvé des choses plus hybrides, peut-être plus riches. Mais maintenant, il y a l’étude qui me sépare du fantasme. Je faisais partie de ceux qui étaient bouleversés par la possibilité d’une civilisation extra-terrestre concomitante à la nôtre…


Vous avez rencontré beaucoup de spécialistes pour le spectacle… Comment les avez-vous abordés? Avec une posture de candide ? Des questions très précises ?


Je suis parti avec un complexe d’infériorité très fort vis-à-vis de ces gens, d’abord parce que je les ai toujours admirés — je voulais être astronome moi-même quand j’étais petit, et ça me reste encore. Quand j’arrive dans un observatoire ou au CNES, je suis bouleversé car je suis avec des gens qui font toute la journée ce que je voudrais faire. Quand notre joli métier m’ennuie et que je vais en plus voir ces gens-là, je sens qu’une fenêtre s’ouvre, j’y vais en me sentant comme le clown qui va dire des bêtises sur des choses qui n’en sont pas. Je partais même du principe qu’ils auraient autre chose à faire que de me rencontrer. Et je me rends compte que c’est une population hyper ouverte, très demandeuse, et en plus très fan, de Kaamelott mais aussi d’un sketch que j’avais fait sur la physique quantique et qui a fait le tour de cette communauté. C’est une grosse blague, mais pas si idiote car il y a des trucs vrais dedans et que ça tourne autour de choses plus ou moins vérifiées. Et en fait ce sont eux qui sont très timides. On m’a fait visiter le centre de commande du véhicule qui réalimente l’ISS au CNES, avec de très grosses pointures dans leur domaine, j’ai rencontré le directeur de l’Observatoire de Paris, qui avait réuni une table complète de spécialistes des exoplanètes, du Rover, du projet Rosetta et ils disaient tous : «Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous ?». Le fait d’avoir besoin d’eux, ils ne s’y attendaient pas. On est arrivé avec deux complexes d’infériorité et j’ai eu affaire à des gens dont la générosité était sans borne. Ça m’a permis de comprendre qu’en dépit de la matière qu’ils manipulent et de leur grande connaissance, ils n’étaient pas reconnus du grand public. C’est ce que me disait Etienne Klein : quand une supernova a explosé à douze millions d’années lumière, ça a duré une semaine, c’était observable à l’œil nu, et ça ne s’était pas produit depuis le XVe siècle ; mais c’était la semaine où Hollande avait emmené des croissants à Julie Gayet et tout le monde s’en moquait.


Vous vous êtes retrouvé avec une masse d’informations, de notes et de documents, mais comment transformez-vous ça en spectacle ?


Il y a tout un tas de choses que ces gens-là ne peuvent pas toucher, et c’est mon métier: comment je vais pouvoir dire des choses contradictoires dans la même pièce ? Comment je vais pouvoir assumer de faire ou de dire des choses qui ne servent à rien, ou qui ne rentrent pas dans le sujet ? Ou comment les choses vont basculer dans un domaine qu’ils ne maîtrisent plus ou en tout cas qu’on ne leur demande pas de maîtriser, lorsqu’elles vont devenir poétiques et cesser d’être analytiques ? Comment laisser la place à ce fantasme que j’ai encore un peu ? Mon métier est clairement d’emmener les gens par la fibre sensible et pas par l’information. Ça, c’est une mayonnaise que je fais sur mon plan de travail personnel. Ce n’est pas le métier des consultants de faire ça. Ils ne s’adressent pas à 2000 personnes qui viennent se marrer. Moi, je dois assumer avec plaisir de les faire marrer, mais aussi arrêter de les faire marrer, accepter de potentiellement rater mon coup, c’est-à-dire laisser les gens indifférents… En tout cas, je dois passer par des chemins qui ne sont pas thèse / antithèse / synthèse. Ce qui reste de cette grande somme d’informations extrêmement variées, c’est ce qui n’appartient qu’à moi. Mon voisin en ferait sans doute autre chose…


Dans «Exoconférence», il y a le mot «conférence»… Qu’est-ce que ça implique au niveau de la forme que le spectacle prendra sur scène ?


C’en est une, encore plus que dans le spectacle sur Bach, qui était entrecoupé de moments de sa vie. Et ce n’était pas vraiment une conférence, plutôt un cours, mais bon, vue la taille de la salle, ça le devenait presque. Ici, ce n’est pas un prétexte ou une fausse proposition : c’est une conférence. Une conférence particulière, de ce mec-là, à l’Américaine, c’est très frime, très spectacle, mais c’en est une ; c’est une adresse en direct par quelqu’un qui est censé être instruit de ce que ces gens viennent chercher.


Le spectacle d’avant était assez épuré. Celui-ci aura plus de machinerie, de projections, de show sur scène…


Ça montre quelqu’un qui a décidé que sa conférence en jetterait. Ce qui pourrait arriver de pire à ce mec-là, c’est d’être confondu avec un conférencier classique, avec trois slides, une salle municipale, un dimanche à 14h et un truc qui s’appelle «Aux confins de l’espace», avec la bonne affiche jaune pourrie… Lui, c’est un ricain, ou en tout cas il aurait voulu l’être. Il se fringue, il veut que ça envoie. Il est à la pointe de la technologie. Je ne peux pas trop en dire, mais il en sait énormément. Effectivement, ce n’est pas la grandeur de Bach dans l’exiguïté de sa piaule et de sa salle de cours, qui s’échappe tantôt de l’église, tantôt de la chambre de ses mômes. Non, le but du jeu ici, c’est de venir et d’expliquer aux gens qu’ils arrêtent d’imaginer des trucs : la réponse, c’est ça, ça et ça. Terminé. C’est un show, il pourrait y avoir de la pyrotechnie, des filles en bikini, tout ce qui serait possible pour dire aux gens : «Je fais partie d’un monde où j’ai tout plus que vous, la connaissance, les réponses, tout !»


Est-ce que dans le spectacle ou dans sa fabrication, on trouve le souvenir du cinéma américain de science-fiction ? Quand on voit l’affiche, on pense à Rencontres du troisième type…


C’est difficile de savoir si Rencontres du troisième type fait partie de l’inconscient collectif des gens qui vont venir voir la pièce. C’est un classique pour moi, mais pas forcément pour tout le monde. En tout cas, il fait partie de mon fantasme. Et puis Rencontres du troisième type, au-delà d’être du cinéma américain, est un film particulier car il expose des choses puisées dans la vérité du projet Blue Book et dans la vie de Jacques Vallée, joué dans le film par François Truffaut. Ce n’est pas un documentaire, mais ce n’est pas non plus Mars attacks ! ou Independance day. Il y a des références dans le spectacle à Independance day, car j’adore comme tout le monde quand les extraterrestres, lorsqu’ils arrivent sur terre, s’adressent directement au Président du monde, c’est-à-dire à Washington ; ils ne vont pas perdre leur temps à parler avec un quelconque chef de tribu pakistanais. Mais sinon, le cinéma extraterrestre vu par les Américains est directement inspiré par la grande vague d’apparitions d’OVNIS après-guerre et qui a donné des choses extrêmement officielles : le projet Sign qui s’est transformé en projet Grudge, puis en projet Blue Book. Les Américains n’ont pas vraiment de séparation entre le fantasme et la vie réelle : quand ils veulent aller sur la Lune, ils vont sur la Lune. Il n’y a pas l’étude d’un côté et les films de l’autre ; c’est un peu tout mélangé. Donc le cinéma américain oui, mais surtout ses bases, c’est-à-dire ce qui l’a nourri, les questions qui se sont posées entre 47 et 70, avec des vagues d’apparitions d’OVNIS, des choses assez poussées et des témoignages assez dingues. Eux ont vécu le crash de Roswell, ils vivent dans un fantasme plus nourri que le nôtre. Tout le monde connaît Roswell ; chez nous, il s’est passé des choses pratiquement du même ordre, à Trans-en-Provence notamment, mais on se moque de nos propres trucs, comme d’habitude. Alors que les choses les plus incroyables se sont passées en Angleterre ou à deux pas de chez nous.


Est-ce que pour ce spectacle, vous allez travailler comme sur le précédent ? Peu ou pas de répétitions ? Le texte livré le plus tard possible ?


Premièrement, j’ai une panique : écrire un spectacle, c’est le perdre. Et plus je vieillis, plus ça me le fait. Pour le moment, j’ai une espèce de réservoir que je remplis, une cocotte-minute qui bouillonne et je sais que c’est là que je comprends le spectacle que je veux faire. Quand le crayon est sur le papier pour écrire ce que le mec va dire aux gens, alors c’est fini, ça ne sera neuf que pour les autres ; pour moi, c’est terminé. Ce n’est pas romantique d’arriver tard avec les choses finies. Plus tard elles sont écrites, le mieux elles ont gonflé, comme de la pâte à pain. Plus je garde les choses secrètes longtemps, meilleur est le spectacle. Et je ne veux pas me séparer des choses trop vite car je ne parlerai plus d’extraterrestres de toute ma vie. Ça continuera de m’intéresser mais j’aurai tué quelque chose qui m’habite depuis toujours. C’est un truc que j’abandonne sur le bord de la route en l’attachant ; après, il appartient aux gens qui verront le spectacle.

 

Propos recueillis par Christophe Chabert, juin 2014

Source

Ecrit par choup37 
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