Les textes intégraux de la série Kaamelott d'Alexandre Astier: retrouvez tous les scripts réunis! - Inscris-toi gratuitement et surfe sans pub !
Pour le plus grand bonheur des fans, les éditions J'ai lu ré-éditent depuis avril 2012 les textes intégraux de la série : chaque tome est divisé en deux ouvrages à prix réduit (5€ chacun), à raison de 50 épisodes et 320 pages par tome. Les deux parties d'un même Livre sortent en même temps.
¤ 11 avril 2012 : Livre I (Arthur et Guenièvre)
¤ 13 juin 2012 : Livre II (Perceval et Karadoc)
¤ 10 avril 2013 : Livre III (Séli et Léodagan)
Voici en exclusivité l'Avant propos ainsi que l'Interview d'Alexandre Astier, que vous pourrez retrouver dans le Tome I des Textes intégraux.
Bonne lecture !!
AVANT - PROPOS |
Encore du papier...
Un logiciel d'écriture de scénario assez célèbre - dont je tairai le nom et que je n'utilise plus aujourd'hui - prétend formater votre texte à raison d'une minute par page. Vous voulez un film de cent vingt minutes ? Grattez cent vingt pages et c'est bon. Et si en plus votre acte 2 commence page 31 et votre acte 3 page 91, ça veut dire que vous avez découpé votre structure de rédemption (la seule tolérable) en un quart - deux quarts - un quart et vous êtes bon pour Hollywood. Moi je dis ça, c'est pour vous... parce que dans la réclame, ils disent que les script doctors chargés de lire les scripts à Hollywood commencent toujours par la page de fin, et qui s'il y a marqué autre chose que " 120 ", votre script passe direct à la corbeille. Moi quand j'utilisais ce machin, chaque page me faisait 40 secondes en moyenne. Mais comment ce faisait-ce, bon sang de nom de bi ? Comment avais-je pu berner un american professional scripting sofware ? Eux, ils écrivent sur du papier format U.S. letter, c'est plus large et moins long que du A4. Ça viendrait de ça ? J'explique. Quand vous avez la politesse de mettre un peu d'action muette dans vos films américains, vous rédigez de jolies didascalies : " John entre dans la cabane de son père et reste quelques minutes pétrifié par ses souvenirs. Puis, regardant le village désert par le carreau de la fenêtre, il décide de rédiger une lettre à Jenny. Au dehors le Marshall Hudson lâche un pet. " Et ça, ça fait beaucoup de secondes à l'écran pour pas beaucoup de lignes sur le papier. Mais quand - comme votre serviteur pour Kaamelott - vous faites causer vos mecs assis sur des chaises ou en train de bouffer, la didascalie c'est " Pipo et Molo sont en train de bouffer. " Et tout le reste, c'est les dialogues, et ça prend une place dingue. Le nom des personnages en gros, les dialogues encore plus gros - parce qu'il y en a toujours un ou deux dans le cast qui sont un peu bigleux - et je saute des lignes, et j'aère la page... Résultat : quarante secondes le bout ; beaucoup de papier pour pas beaucoup de temps à l'écran. Du papier. Des montagnes de papier. Pas très environnement friendly la série. Surtout pour retrouver les scripts, à la fin de la journée de tournage, tachés de gras sous les tables de la cantine. Pas grave, j'ai toujours voulu faire éditer les scripts bruts. J'ai toujours eu envie d'avoir ça dans les mains. Un jour peut-être, une étudiante en Lettres en tiendra un exemplaire devant ses lunettes, assise au fond du bus... Elle annotera... genre " Oui, très juste ! " dans la marge... les étudiantes en lettres annotent toujours les bouquins avec des " Oui, très juste ! " dans la marge. J'ai jamais compris. Moi, j'étais étudiant en musique, j'ai jamais annoté " Oui, très juste ! " sur le score de Requiem de Fauré... ou " efficace mais cul-cul " sur la Flûte Enchantée... ou " le Fridolin n'est finalement pas si bourrin que ça " sur les Variations Goldberg... Vous, si vous voulez annoter ce bouquin, on vous a laissé une marge. Vous pouvez mettre ce que vous voulez. Et puis si en plus vous êtes assis au fond d'un bus avec des lunettes, vous aurez l'air d'une étudiante. Ce qui vous vient... mettons : " Bon sang mais ce texte est proprement renversant ; on me l'avait dit mais m'en rendre compte par moi-même est simplement vertigineux. " Voilà, mais pas trop long quand même. Allez pas saloper un bouquin tout neuf pour raconter des banalités. Pensez au papier. Voici la première saison, le Livre I. Toujours du papier... |
INTERVIEW |
" Mon premier outil pour raconter, c'est les dialogues "
Entretien avec Alexandre Astier autour de l'écriture de Kaamelott.
- Est-ce que tu avais écrit les 100 premiers épisodes de Kaamelott d'un coup ?
- Tu as mis combien de temps pour écrire tout ça ? C'est comme dans un feuilleton américain, quand on voit un fondu au noir, eux voient des pubs, nous non. Du coup, l'écriture était très cadrée, avez zéro souci de chronologie. Le but du jeu était de présenter les gens et de raconter leur caractère, n'importe quelle idée pouvait marcher. J'aurais pu en écrire 300 d'un coup, il n'y avait aucune volonté de structure, juste envie de peindre un monde et des gens dedans.
- Y avait-il des contraintes d'écriture ? L'utilisation des décors ? Le nombre de personnages ? Donc la première idée pouvait être débridée : " Perceval et Karadoc dans le couloir ". J'avais une scène d'une minute avec eux. Comme on devait tourner neuf minutes par jour, mathématiquement, eux pouvaient être là dans le couloir pendant huit minutes. Mais je ne savais pas pourquoi, j'attendais ! Et des fois, je me retrouvais avec un acte pas bouclé d'un épisode, et j'avais toujours Perceval et Karadoc dans le couloir. C'était la base de données qui m'aidait à gérer tout ça. Du coup, j'avais des vases, et je remplissais mes vases jusqu'à ce que tout soit écrit.
- Avec ces contraintes, tu arrivais quand même à conserver tes idées en l'état ? Evidemment, la première idée, c'est d'équilibrer avec des décors alternant extérieurs/intérieurs, d'alterner petits groupes/ grands groupes. Je ne suis pas un réalisateur graphique, à effets. Je mets en scène ce que j'ai envie de raconter, et souvent ce sont des mots. Mon premier outil pour raconter, c'est les dialogues. Et ça, c'est transposable. Des fois, c'est chiant : je voulais un dialogue entre Bohort et Léodagan en pleine forêt, et je me retrouve avec le Père Blaise et Calogrenant dans un couloir. Je n'étais ni déçu par les acteurs, ni par le couloir, mais la forêt, ça avait un sens ; ça donnait des épisodes plus engoncés que prévus.Je suis resté souple avec ça. Cette capacité à modifier l'écriture en fonction de l'économie a permis que la série existe !
Ça a l'air d'être ça. L'acteur, c'est sûr. C'est l'acteur qui m'inspire sa manière de parler, et ça lui donne un caractère. C'est quelque chose auquel je crois : on n'est pas en train de dire ce qu'on est, on est ce qu'on dit. Le langage ce n'est pas de la communication, c'est l'identité. C'est le grand fantasme des séries que je n'aime pas, qui font mal parler leurs personnages : aucun personnage n'est crédible lorsqu'il ne parle pas droit. On est incapable d'aimer un personnage qui parle mal, qui ne se définit pas par son langage. Le but, c'est soit d'entendre parler un mec comme j'aime l'entendre parler, soit l'entendre parler comme je ne l'ai jamais entendu parler avant. Mais le premier argument, c'est qu'un acteur prenne du plaisir, et il en prend avec ce qu'il a à dire. Les acteurs ont donné naissance à leurs personnages à travers ce qu'il disaient.
- Tu écris, tu donnes le texte aux acteurs et tu tournes ? Je n'ai jamais corrigé un texte, j'écris tout d'un jet et je fais tel quel. Dans le premier jet, c'est l'instinct qui parle, et il est important de ne pas gommer l'instinct lors des corrections, notamment les choses pas logiques. Kaamelott, le résultat, c'est ça. Il n'y a rien de franchement nul, mais il y a des choses maladroites, très maladroites. Certains ont dit que l'épisode vampire, ça ne marchait pas. Quand ça passe le crédible, certains décrochent. Mais Kaamelott c'est un homme en entier, avec tout ce qu'il y a de pas réussi. C'est ce que les gens à la télévision n'arrivent pas à admettre avec le système de surveillance des auteurs pour éliminer les défauts. Mais quand tu élimines les défauts, tu élimines tout, tout part à la benne.
- Tu écris les textes sans élisions ? Il y en a que je ne peux pas éviter. J'écris dans le meilleur français possible pour qu'il ne soit pas trompeur pour l'acteur. Par exemple : " On n'a pas le temps ", j'écris le " n' " alors que " Vous avez pas le temps ", je ne le mets pas car je ne veux pas que l'acteur dise " Vous n'avez pas le temps. " En plus, certains personnages utilisent l'imparfait du subjonctif, comme Gauvain ou Le Roi Loth, qui sont très littéraires. Mais les textes avec les élisions sont très désagréables à lire. Pour un mec qui est à cheval comme moi sur la métrique, je devrais tout faire comme ça, même souligner l'accentuation. Mais c'est un outil technique pour le comédien, et je préfère leur dire sur le plateau. Il m'arrive juste de souligner les mots, c'est le cas dans les textes publiés d'ailleurs. Mais je pars quand même de la phrase française clean. Ce qui n'est pas le cas de ceux qui ont relevé les textes sur Internet. |
Merci à Kazmaone pour nous les avoir fait partager!