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Interview

Le monde des séries

Audrey Fleurot – Portrait triptyque

par Benjamin Campion

 

Quand le capitaine Berthaud ironise sur le chic de son déshabillé, sous-entendant que l’achat de vêtements d’un tel standing doit nécessiter plus que les revenus standards d’une honnête avocate, Joséphine Karlsson lui rétorque sans ciller: "Encore faut-il pouvoir le porter". L’aisance avec laquelle se glisse Audrey Fleurot dans la toge de l’arriviste la plus vénale et machiavélique d’Engrenages est à l’image de cette passe d’armes. Ne vous fiez pas à son teint diaphane, à sa longue chevelure cuivrée, à ses taches de rousseur et à ses yeux bleu clair éclatants d’innocence. Sous la finesse des traits et l’opulence des formes se cache le caractère bien trempé d’une actrice à poigne, marquant du timbre si particulier de sa voix l’emprise qu’elle a sur le monde qui l’entoure.

Un tempérament que vient asseoir "dans le feutré" (comme dirait le roi de Carmélide) son rôle d’Hortense Larcher, épouse en mal de maternité et de passion du futur maire d’une sous-préfecture du Jura durant l’Occupation, dans Un village français. Ou la chronique de gens ordinaires dont l’Histoire en marche ne bouleverse pas les enjeux du quotidien, à l’image de ce plan glissant des ébats dans un pré de Raymond Schwartz et de sa maîtresse Marie Germain, à l’établissement quelques dizaines de mètres plus loin de la ligne de démarcation sur un pont contrôlé par les Allemands.

On n’a d’ailleurs pas fini de suivre Audrey Fleurot dans ces deux rôles puisque Grégory Fitoussi, qui devient l’associé de Joséphine Karlsson dans la saison 3 d’Engrenages, a indiqué que le polar de Canal+ devrait se prolonger encore au moins trois saisons si le succès se confirmait, tandis que le feuilleton historique de France 3, Un village français, est programmé jusqu’en 2013. Mais avant de prendre à bras le corps ces deux personnages, l’actrice s’est illustrée dès début 2005 sur M6 en guide spirituelle nimbée de lumière d’un certain Arthur…

 

Entre Audiard et De Funès

Formée à l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT) de Lyon entre 1997 et 2000, Audrey Fleurot postule d’abord pour le rôle d’Angharad, la suivante de Guenièvre, dans l’un des dix pilotes d’un projet de shortcom intitulé Kaamelott. Elle hérite finalement du rôle de la Dame du Lac quand M6 retient la comédie médiévale emmenée par Alexandre Astier, son compère Jean-Christophe Hembert (alias Karadoc, chevalier de Vannes) et leur troupe lyonnaise, pour succéder à Caméra Café qui vient de se terminer.

Bonne pioche, car non seulement la shortcom connaît un succès fulgurant assurant la mise en boîte de centaines d’épisodes (allant de 3 minutes 30 jusqu’à 40 minutes), mais en plus elle assure à Audrey Fleurot une présence régulière tout au long des six saisons. Elle se voit même décerner l’honneur de survivre au renouvellement quasi complet de la distribution secondaire à l’entame de la dernière saison, un prequel tourné à Cinecittà sur la jeunesse romaine d’Arthur. En peu de scènes (elle n’apparaît en moyenne que quatre à cinq fois par saison), Audrey Fleurot devient l’une des partenaires comiques privilégiées d’Alexandre Astier dans le rôle de la gaffeuse Dame du Lac, missionnée par les dieux pour éveiller le jeune soldat romain Arturus à sa destinée extraordinaire de roi de Bretagne.

Après avoir baladé ses yeux écarquillés et sa moue boudeuse dans toutes les travées de Kaamelott, apparaissant de manière impromptue à Arthur en tunique blanche dans un halo de lumière, Audrey Fleurot incarne une Dame du Lac en chair et en os au cours de la saison 4. Les dieux décident en effet de la bannir après l’exil de Lancelot (bientôt rejoint par Guenièvre), l’échec d’Arthur dans sa quête du Graal et son idylle interdite avec la femme du chevalier Karadoc. Puis l’aventure se termine à l’issue de la saison 6, le septième livre initialement prévu se convertissant en trilogie sur grand écran. Où l’on retrouvera Audrey Fleurot ? En attendant de le savoir, l’actrice, formée sur les planches de théâtre, n’a pas attendu la fin de Kaamelott pour se tourner vers des rôles plus dramatiques, comme celui d’une avocate sans scrupules tenant à prendre sa revanche sur un passé trop modeste à son goût…

 

Canal (ne plaisante) +

A peine un an après le lancement de Kaamelott sur M6, Canal+ s’attaque pour de bon au polar français en lançant une première création originale dramatique au contenu particulièrement réaliste, grâce à l’expertise de l’ancienne avocate Alexandra Clerc, puis du policier Eric de Barahir. Une fois n’est pas coutume, un pilote de 52 minutes est d’abord produit au printemps 2004, permettant d’éprouver le concept et de procéder à une large revue d’effectif. Canal+ demande ensuite à recentrer le récit sur les personnages jugés les plus aboutis, en conservant leurs interprètes à l’exception de Patrick Mille, remplacé par Grégory Fitoussi dans le rôle du substitut du procureur Clément. La méthode rappelle celle de Kaamelott. Et Audrey Fleurot, de nouveau présente dans un pilote à l’avenir incertain, assure encore sa place au sein de l’effectif final.

La première saison d’Engrenages convainc, malgré son éparpillement et son goût du sensationnalisme un peu suranné (Gilou en ripou aux narines poudrées, on connaît la rengaine). Si bien que le groupe patrimonial anglais BBC acquiert les droits de la série hexagonale, l’une des toutes premières de son catalogue. Il la diffuse en version originale sous-titrée, sous le nom de Spiral, en août 2006 et en février 2007 sur sa chaîne culturelle BBC Four. Canal+ semble trouver la voie de la différenciation tant attendue en explosant les codes ultra-balisés de la série policière à coups de scènes d’autopsie explicites et de dialogues fondés sur le vécu.

Mais des remous internes provoquent la mise à l’écart de Guy-Patrick Sainderichin, pourtant appelé en renfort pour réécrire le pilote et superviser l’écriture de la saison 1. Il faut attendre presque deux ans et demi avant de retrouver Engrenages, en mai 2008, le lundi soir sur Canal+. Rebelote la saison suivante avec deux nouvelles années d’attente, mais la machine est cette fois-ci lancée: la chaîne annonce la commande de saisons 4, 5 et 6 de douze épisodes chacune (la saison 4 devrait finalement n’en contenir que dix), selon un rythme de diffusion annuel.

Au préalable, la saison 2 s’impose comme celle d’Audrey Fleurot, dont le duel de fortes têtes avec Caroline Proust (dans la veine du rapport d’amour-haine entre Patty Hewes et Ellen Parsons dans Damages) marque les esprits. L’issue de l’exercice suivant, diffusé en mai et juin derniers sur Canal+, laisse planer un doute sur l’orientation de l’avocate la plus retorse du barreau français, que l’on annonce à nouveau au centre des débats la saison prochaine. De quoi s’attendre à des étincelles ! Mais avant de découvrir si, selon le propre souhait d’Audrey Fleurot, on en apprend un peu plus sur les failles de Joséphine Karlsson, l’actrice s’est entre-temps lancée dans une fiction historique de France 3 que peu donnaient gagnante…

 

La guerre vue autrement

"Faire découvrir au public, pour la première fois, une vision nuancée et dynamique de ce que furent la vie et la pensée des Français pendant cette période cruciale [l’Occupation, ndlr] de notre Histoire". Telle est l’ambition de l’auteur Frédéric Krivine lorsqu’il accepte d’élaborer pour France 3 la fiction historique Un village français, récit du quotidien d’habitants ordinaires de Villeneuve, une petite sous-préfecture du Jura, voyant débarquer les chars allemands à l’aube de l’Occupation.

Suivant l’idée des auteurs d’Engrenages de puiser la connaissance à sa source, Krivine décide rapidement de faire appel à l’historien Jean-Pierre Azéma, professeur à Sciences Politiques et auteur de nombreux ouvrages sur cette période douloureuse de l’Histoire française. De même qu’une psychologue est engagée pour la saison 3 (dont la diffusion ne devrait pas avoir lieu avant 2010), afin de travailler le cheminement personnel des villageois sous le régime de Vichy. Doivent-ils collaborer, comme les médiateurs contraints et forcés Daniel Larcher et Raymond Schwartz, ou résister face à une issue qu’ils estiment de toute façon inéluctable ?

Le réalisateur Philippe Triboit, également associé au projet, souhaite quant à lui s’attacher les services d’acteurs dont le CV ne permette pas de les identifier immédiatement. Hormis Robin Renucci, seul visage véritablement connu du grand public, il réunit ainsi une distribution franco-belge au sein de laquelle figurent d’anciens collaborateurs tels que Patrick Descamps, Francis Renaud, mais aussi Thierry Godard et Audrey Fleurot, avec lesquels il avait déjà travaillé sur Engrenages. Cette fois-ci, pas de doute: l’Histoire est en marche.

Et le 4 juin 2009, le miracle créatif a lieu (le journaliste Frédéric Foubert qualifiera à juste titre la saison 1 de "virage français" dans le numéro 24 du magazine Générique(s)). Mais tous les regards ne se portent, pour une fois, pas sur les résultats d’audience. Car dans son entreprise – semblable à celle de Mad Men – de décomposition sociologique des sentiments à travers le prisme de la grande Histoire dont les acteurs n’ont pas encore conscience, Un village français est programmé pour narrer, sur soixante épisodes, les cinq années d'occupation allemande de la Débâcle à la Libération.

Il semblerait bien qu’Audrey Fleurot, qui incarne la vibrante Hortense Larcher, ait coché les bons numéros ! Elle devrait en effet apparaître dans encore trois saisons de douze épisodes (au format 52 minutes) de la fiction historique la plus aboutie à ce jour de France 3, dont la diffusion est prévue jusqu’en 2013.

 

La fine fleur du PAF

Audrey Fleurot a déjà derrière elle une solide carrière de théâtre et de télévision, lesquels se sont mariés le 19 décembre 2009 sur France 3 avec la diffusion du Bourgeois gentilhomme de Molière. La même année, elle partageait le devant de la scène du Menteur de Carlo Goldoni avec Simon Abkarian (Pigalle, la nuit), ainsi que l’affiche de la minisérie Eternelle diffusée sur M6 avec Claire Keim. Sans oublier de trouver une place dans son calendrier surchargé pour le téléfilm de France 2 intitulé La Reine et le Cardinal, aux côtés de Philippe Torreton.

Son rapport au cinéma est plus compliqué. On ne l’a pour l’instant qu’entraperçue dans Les deux mondes, le délire mystico-fantastique de Daniel Cohen avec Benoît Poolvoerde, en 2007. Comme elle l’expliquait au Point le mois dernier: "On ne m'y propose la plupart du temps que des panouilles. Je préfère un beau rôle à la télé qu'un rôle très secondaire au cinéma. Ces deux mondes, en France, sont encore très cloisonnés".

Si le trajet du petit au grand écran s’avère toujours aussi semé d’embûches, Audrey Fleurot s’inscrit en tout cas dans la catégorie rare des acteurs français pour qui, à l’instar de son partenaire Thierry Godard dans Engrenages et Un village français, la télévision ne semble pas poser de problème. Un pari osé pour une jeune femme de 33 ans qui risque de se voir longtemps collée l’étiquette d’actrice pas assez armée pour drainer le public des salles obscures. De fait, la tendance est plutôt au cheminement inverse, si l’on en croit les votes de confiance de Jacques Gamblin (Les oubliées), de Patrick Bouchitey (Reporters), de Jalil Lespert (Pigalle, la nuit), de Sandrine Kiberlain ou de Sami Bouajila (dans Signature, le nouveau projet du duo Herpoux et Hadmar, bientôt sur France 2). L’idée d’une télévision comme tremplin vers le cinéma reste encore et toujours réservée aux animateurs qui savent se faire remarquer, comme Louise Bourgoin passée en deux ans de la présentation de la météo pour le Grand Journal de Canal+ aux Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec chez Luc Besson.

Mais peu importe. Entre le théâtre, auquel elle compte bien rendre la monnaie de sa pièce ("C'est là que j'ai fait mes plus belles rencontres, comme Alexandre Astier qui est venu me proposer le pilote de Kaamelott pour M6, ou Jacques Maillot qui m'a proposé Froid comme l'été pour Arte"), et la suite très attendue des séries Engrenages et Un village français, Audrey Fleurot n’a pas fini de nous faire tourner la tête. Pour une danseuse émérite de tango, quoi de plus naturel.

 

ENGRENAGES

Engrenages entend disséquer la machine judiciaire en donnant la parole aux différents corps de métier qui la font tourner: procureurs, juges et flics, mais aussi avocats. A des kilomètres de la naïveté et de l’innocence de sa Dame du Lac, Audrey Fleurot incarne ici un as en devenir du barreau, Joséphine Karlsson, prête à toutes les manipulations pour gravir les échelons. Une chose est sûre: mieux vaut être sous son aile (de vautour) que dans la partie adverse. Joséphine ange-gardien ? Assurément, tant que vous payez en billets de 500…

 

Tous les coups sont permis

Si le juge Roban, le substitut du procureur Pierre Clément ou l’équipe du capitaine Berthaud s’interrogent sans cesse sur les moyens d’enrayer la perversion du système politico-judiciaire sans emprunter soi-même les voies détournées qui y sont tracées, Karlsson a bien compris qu’on ne vivait pas dans le monde des Bisounours. Comme le disait Ellen Parsons à Patty Hewes à l’issue de la saison 2 de Damages: "Tu es corrompue, narcissique, cruelle. Comme le monde qui nous entoure". La droiture serait même punitive si l’on se réfère aux déboires sentimentaux du juge Roban, perdant deux fois l’amour de sa vie et provoquant le suicide du fils de celle-ci en imposant une application stricte du code de déontologie.

Un terme qui ne figure pas au dictionnaire de Joséphine Karlsson, n’aimant rien tant que le challenge et l’excitation de défendre un monstre, là où Patty Hewes justifie ses actes immoraux par le vol au secours du pot de terre contre le pot de fer. Le machiavélisme du requin des beaux quartiers parisiens n’a d’ailleurs rien à envier à celui de son homologue d’outre-Atlantique. Dès ses débuts, Karlsson s’appuie sans se faire prier sur le décès d’un collaborateur pour remporter un procès en jouant sur la fibre émotionnelle, exerce une pratique illégale de son métier pour un avocat radié du barreau suite à une condamnation pour viol, et donne une cliente en spectacle aux médias afin de se faire de la publicité.

Puis, lors de la saison 2, la machine s’emballe. Joséphine accepte des pots-de-vin de clients dont elle connaît la culpabilité, dévoile le contenu de dossiers d’instruction, sort des cartons un internement du capitaine Berthaud à l’hôpital psychiatrique de Sainte-Anne, vide les poches de son amant d’un soir pendant son sommeil, fait passer un téléphone portable à un détenu au parloir et fouine dans les dossiers du procureur sous un faux prétexte. Enivrée par l’appât du gain, bien qu’ayant conscience des risques encourus, elle se laisse ensuite embringuer dans un engrenage infernal en enregistrant une vente forcée de bar en présence de malfrats et en blanchissant de l’argent en lingots d’or, jusqu’à balancer l’opération policière de l’année pour devenir l’associée de Szabo.

La saison 3 marque toutefois une accalmie, puisqu’elle se contente de faire chanter une prostituée en menaçant de lui retirer son fils si elle ne revient sur son identification lors d’un "tapissage", puis détourne les 40.000 euros mis aux scellés d’un trafiquant de drogue poursuivi par ses créanciers. Alors, rangée des voitures, la Jojo ?

 

L’ombre de Patty Hewes

Pénaliste souhaitant à tout prix passer de l’ombre à la lumière, Joséphine Karlsson fait partie de cette race de personnages dont les contours conservent toujours une part de flou, ce qui ne rend que plus forte l’attraction que l’on ressent envers eux. Ses motivations ne sont d’ailleurs pas toujours portées à notre connaissance. Pourquoi détruit-elle ainsi le testament de l’épouse décédée d’un cancer de son collaborateur, Vincent Leroy, à l’issue de la saison 1 ? S’agit-il de pure cruauté, d’une crise de féminisme, d’une volonté jusqu’au-boutiste de garder l’avantage ? En ne répondant pas à ces brûlantes interrogations, elle parvient à entretenir la flamme dans une série par ailleurs très franche du collier, où des adversaires tels que le capitaine Berthaud s’investissent à 100% dans leur mission et jouent le plus souvent cartes sur table.

La charmante (mais guère charmeuse, sauf si elle compte tirer profit de la situation) Joséphine intrigue jusque dans ses ellipses narratives. Que s’est-il réellement passé durant la première intersaison, après que le ministre chargé du Commerce extérieur Arnaud Laborde, pédophile au cœur de l’enquête majeure de la saison 1 dont la culpabilité n’a toutefois pu être établie, lui ait proposé de rejoindre son nouveau cabinet d’avocats ? Tout juste apprend-on de la bouche de Pierre Clément qu’il la traitait comme une bonniche, la poussant à démissionner pour repartir à zéro en redevenant commis d’office.

Sachant le genre de réparties auxquelles s’attendre quand on négocie les yeux dans les yeux avec les pires raclures de l’Hexagone, Karlsson ne déroge toutefois pas au code d’honneur du justicier antihéros façon Dexter Morgan. La vulgarité et la mauvaise éducation de ses clients ne la choquent certes pas, mais elle n’hésite pas pour autant à pousser la mère d’un client (le rappeur mister Aziz) à revenir sur son alibi quand celui-ci s’est mal comporté avec elle. Ce qui n’est guère du goût de son mentor Szabo, qui tente de mater ses beaux principes: "Ne dis pas de gros mots. Je ne travaille pas avec Robin des Bois".

 

Working girl

Car, contrairement au brigand solidaire de Sherwood, Joséphine Karlsson préfère garder le contenu de la caisse pour couvrir ses frais personnels. Totalement décomplexée d’un sujet pourtant encore tabou dans la société française, elle ne se contente pas de lécher les vitrines des grands magasins de mode, mais se présente au contraire toujours tirée à quatre épingles en audition. Si l’on gratte un peu, cet amour proclamé du billet vert et cette soif de reconnaissance sociale s’apparentent toutefois à une vengeance personnelle, comme en témoigne cette scène où elle chasse violemment les huissiers ayant pris leurs quartiers dans son appartement et commençant à s’attaquer à ses meubles. Comme si elle avait des comptes à régler avec le passé. Mais lesquels ?

En attendant de l’apprendre, Karlsson paye ce culte de la réussite par l’absence de famille ou d’amis dans son entourage. N’étant ses collaborations professionnelles, elle semble vivre en totale autarcie, telle une louve solitaire ne comptant que sur elle-même pour s’en sortir. Le paradoxe de cette beauté attirant toutes les convoitises du palais est d’être pour ainsi dire asexuée, n’usant jamais de son sex-appeal pour entamer une relation intime. Tout juste s’autorise-t-elle, dans un élan pour une fois incontrôlé, à embrasser Clément avant de rejoindre Szabo à l’issue de la saison 3. Une première faille dans la carapace de la working girl ? Vous devrez patienter près d’un an pour le découvrir…

 

UN VILLAGE FRANCAIS

Par ses doutes, ses introspections, ses désirs aussi, l’épouse que l’on découvre aimante et dévouée du docteur Larcher sert toute l’ambiguïté d’Un village français, réflexion civique dans laquelle nul n’est tout collabo ou tout résistant. Audrey Fleurot y prête ses traits assagis à Hortense Larcher, dont il faut tout de suite préciser qu’elle est mariée au futur maire de Villeneuve, un humaniste voué au bien-être des habitants de sa commune.

Comme si elle ne pouvait exister par elle-même (ce qui ne manque pas d’ironie, dans la mesure où c’est Audrey Fleurot qui révèle les aspérités d’un Robin Renucci plutôt lisse à l’accoutumée). Comme si son dévouement pour son mari idéal devait forcément prendre le pas sur toutes ses pulsions et ses désirs personnels. Il ne s’agit toutefois pas seulement d’une question de respect des conventions (nous sommes en 1940) car, comme elle l’explique à l’inspecteur Marchetti au sujet de son mari: "C’est un homme merveilleux, très dévoué aux autres. Ca a vraiment été la chance de ma vie".

La droiture d’Hortense est exprimée jusque dans sa chevelure constamment attachée et son style vestimentaire, se partageant entre tailleurs impeccables, chemisiers à col tout juste ouverts pour laisser poindre une croix en or, robes longues et gilets noirs, talons hauts (mais pas trop), et pardessus et foulards noués autour du cou. Le style, parfois agrémenté de chapeaux et d’un maquillage léger, de boucles d’oreille et de colliers de perles non ostentatoires, mêle un goût certain du raffinement à une volonté farouche de rester à sa place. De nombreuses prolétaires de Villeneuve doivent en être vertes de jalousie. Alors, où le bât blesse-t-il ?

 

Méfiez-vous de l’eau qui dort

Contrairement aux Schwartz, d’autres notables du village bénéficiant d’une demeure luxueuse et d’une domestique, les Larcher n’ont pas d’enfants. C’est le drame d’Hortense de n’avoir jamais pu porter de "petit bout de soi" (par contrainte de carrière, par souci d’ordre médical, on l’ignore). Voilà pourquoi elle s’éprend d’un amour instantané pour le petit Te Quiero, le bébé de réfugiés communistes espagnols mis au monde par son propre mari et dont la mère meurt des suites d’une hémorragie de la délivrance. Un don du ciel si inespéré qu’elle se refuse à l’appeler autrement que Te Quiero, même après qu’une sœur missionnée par la Croix-Rouge pour centraliser tous les enfants perdus lui ait expliqué qu’il ne s’agissait pas d’un prénom, mais des mots "Je t’aime" en espagnol.

Une scène illustre parfaitement l’imposture dont se rend malgré elle coupable Hortense en s’adjugeant la garde de Te Quiero. N’étant pas en mesure de le nourrir elle-même, et faute de biberons contenant encore un peu de lait, elle se voit contrainte de le remettre entre les mains d’une maman en train d’allaiter son propre bébé. Sous des couverts d’épouse parfaite, Hortense n’en est pas moins tiraillée entre ses pulsions maternelles et les lois parentales de la société française de 1940 (et d’aujourd’hui, même si elles ont depuis évolué). La guerre n’excuse pas de kidnapper un bambin, ni de sacrifier le père de l’enfant en le confondant avec le signalement d’un prisonnier évadé (drôle de façon de collaborer…) sur une proposition de Marchetti.

Mais tous les prétextes sont bons à prendre. Selon Hortense, Te Quiero a surtout besoin d’une famille unie, aimante et en mesure de subvenir à ses besoins. D’autant que le destin s’en mêle lorsque Daniel découvre la mère biologique du petit, morte dans l’hôpital improvisé au sein de l’église du village, puis la sœur insistant pour l’emmener à l’orphelinat tuée dans une fusillade. Comme le signale par ailleurs Hortense à son époux, oscillant entre paix d’âme et désir de fonder une famille: "En huit ans de mariage, je ne t’ai jamais vu aussi heureux".

 

Tremblante, vibrante, émouvante

Toujours en filigrane, le contexte de l’Occupation plombe le moral de Daniel et permet à l’intrigue de glisser subtilement vers l’histoire d’adultère avec Marchetti. Alors qu’il était prêt à signer les papiers de l’adoption pour Te Quiero (se rangeant finalement du côté de son épouse), Daniel soupçonne la convoitise d’un garçon qu’il avait lui-même décidé d’accueillir temporairement au sein du foyer familial, sans demander son avis à Hortense. Là encore, plutôt que de grands discours, une simple scène témoigne du malaise qui s’installe entre les époux Larcher et leur hôte: lorsque Daniel lui demande si Hortense n’est pas la plus jolie femme de Villeneuve, Marchetti ne sait que répondre. Alors qu’on imagine la réponse assez limpide dans son esprit.

Les envies d’aventure(s) d’Hortense nous sont expliquées par la morosité grandissante de Daniel, ne lui faisant plus l’amour depuis des semaines et ne riant même plus à ses bêtises. Mais la justification ne vaut qu’en surface. Si Hortense ne se sent plus désirée, c’est tout de même elle qui fait le premier pas vers Marchetti, trop respectueux de l’hospitalité des Larcher pour enfreindre la loi morale. C’est elle qui l’embrasse, l’interpelle dans la rue et demande à le voir plus souvent dans le dos de son mari, poussant ce dernier à trouver un meublé à Marchetti puis à demander sa mutation aux RG de Dijon. Alors pourquoi nous est-il si difficile de la prendre en grippe ?

Que son cœur se porte sur "son" enfant ou sur son amant, Hortense Larcher est à la fois une héroïne tragique, transportée par des pulsions qu’elle ne peut réfréner ("Je l’aime, comme je ne t’ai jamais aimé", lance-t-elle cruellement à son mari), et une femme moderne qui décide de prendre son destin en main. Elle ment, elle vole, elle trompe, mais elle ne rompt jamais le cordon ombilical qui nous lie à elle. C’est peut-être cela, la réussite d’un personnage.

 

KAAMELOTT

Selon la légende, la fée Viviane (Audrey Fleurot) enleva le petit Lancelot quelques mois après sa naissance pour lui enseigner les arts et les lettres, avant de le présenter à la Table Ronde où le roi Arthur l’adouba chevalier. Mais, attaché à l’anachronisme et à la liberté historique de son récit, Alexandre Astier décide de priver la Dame du Lac de la responsabilité du petit Lancelot, faute de résultats (elle n’était même pas capable de lui faire retenir une simple routine de guérison des plaies, c’est dire !). Bien qu’ils "en aient gros", les dieux donnent tout de même une deuxième chance à la nounou la plus branque du paradis en lui confiant l’éducation d’Arturus dès son plus jeune âge, des années avant qu’il n’embrasse sa destinée.

 

L’amour vache

Certes, Audrey Fleurot n’a pas droit aux dialogues les plus gratinés des figures secondaires de la shortcom, à l’image du maître d’armes qui lance effrontément à Arthur pour le motiver au combat: "En garde, ma biquette ! Je vais vous découper le gras du cul, ça vous fera toujours ça de moins à avaler…" Mais il ne faut tout de même pas trop la chauffer. A la réunion des déesses à laquelle elle arrive en retard, toutes ont une tunique blanche et une chevelure rousse sauf une, la Dame des Pierres, qui a soi-disant reçu une malédiction. Quand cette dernière tente de subtiliser sa mission auprès d’Arturus à notre rouquine favorite, ses oreilles ne tardent pas à siffler: "Va déjà te faire une teinture, connasse !"

Mais au-delà de ces joutes verbales, c’est surtout sa relation exclusive avec Arthur qui sert de ressort comique à la Dame du Lac, version Astier. Selon les règles établies par le maître à penser de Kaamelott, Arthur est en effet le seul à voir et à entendre cet oracle. Et il a beau retourner le problème dans tous les sens, ces pécores de Perceval et de Karadoc ne parviennent pas à comprendre ce qu’il entend par: "Vous ne pouvez pas la voir". Des dialogues de sourds qui finissent même par éveiller la suspicion de Léodagan, lequel soupçonne Arthur de les mener en bateau pour se donner l’air intéressant et les faire bosser deux fois plus ! Afin de dissiper les doutes, une Dame du Lac particulièrement remontée décide alors d’apparaître en chair et en os mais, ne voulant pas griller sa couverture, elle prend les traits de Bohort… en armure de Romain !

Au cours des premières saisons, Audrey Fleurot n’a pas à forcer son talent pour donner corps à ce rôle comique presque trop facile pour elle, tant les mises en situation vaudevillesque et le sens du timing de ses partenaires de jeu se marient naturellement à son phrasé délié, à ses yeux de biche, à ses sourcils arqués et à sa moue boudeuse de chipie de la haute qui aimerait bien qu’on l’écoute avec un peu plus d’attention. Quand elle guide son poulain au sein de quêtes de pacotille, lui offrant pour toute aide matérielle un "cake" ou oubliant de lui annoncer la récompense (une émeraude géante avalée par un ogre à deux têtes), quand elle ne lui fournit pas des indications dignes d’un GPS détraqué, difficile de considérer que la Dame du Lac soit d’un grand secours pour le pauvre Arthur.

D’autant que la Celte manque à chaque apparition de lui provoquer un arrêt cardiaque, pouvant surgir à toute heure du jour ou de la nuit dans un halo de lumière, à échelle humaine ou en version extra large, son rang de déesse marqué par une tunique blanche et un diadème autour du front. Si l’effet de surprise (et l’engueulade qui va forcément suivre) constituent le sel de la présence de la Dame du Lac, elle est aussi la voix de raison pour l’impétueux roi dont elle tempère la fougue. Pouvant s’appuyer sur une hiérarchie toujours bien renseignée, elle guide Arthur à travers sa quête du Graal et l’aide à appréhender les forces en présence. C’est ainsi elle qui lui annonce la destinée hors du commun attendant Perceval de Galles, dont on parlera encore dans vingt siècles, ce qui se confirme quand l’élu empoigne Excalibur sans que l’épée magique ne cesse de flamboyer entre ses mains.

 

"Pfff… C’est trop nul d’être terrestre !"

Surtout, la Dame du Lac a une obligation de résultats si elle ne veut pas connaître le même sort qu’avec le petit Lancelot. Elle décide donc de justifier à ses supérieurs le coût de leur investissement en ouvrant une "Porte du Chaos" qui donne… sur le poulailler ! Mais d’échec en échec, elle est finalement bannie par les dieux et renvoyée sur la terre ferme de son cher protégé, se retrouvant comme une clocharde éplorée dans la chambre du roi. Ce qui lui vaut cette répartie cinglante, quand elle met à nouveau le moteur à mauvaise foi en marche: "Je suis roi de Bretagne. J’ai pas de conseils à recevoir d’une clodo !"

N’hésitant pas à se grimer ni à s’affubler d’une horrible perruque pour la cause, Audrey Fleurot brise le fantasme de la fée séductrice en même temps que l’ambiguïté du rapport qui aurait pu s’instaurer entre son incarnation humaine et Arthur. Lequel n’hésite pas à comparer sa peau blanche à une "merde de crémier" ! Le livre IV sonne le point d’orgue d’une Dame du Lac apeurée, lapant comme un minet dans sa coupe de lait, ne sachant même pas nager (un comble !) et finissant par s’échapper dans les bois avant d’y sauver le chevalier Lancelot d’une mort certaine.

L’aventure comique arthurienne se termine pour Audrey Fleurot lorsqu’elle éclaire la lanterne du centurion romain Arturus au sujet de sa destinée bretonne, dans le livre VI. A moins qu’on ne la retrouve dans la trilogie de conclusion sur grand écran, dont Alexandre Astier écrit actuellement le premier volet pour une sortie annoncée à l’horizon 2012 ?

Ecrit par choup37 
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chrismaz66, 15.04.2024 à 11:46

Oui cliquez;-) et venez jouer à l'animation Kaamelott qui démarre là maintenant et ce jusqu'à la fin du mois ! Bonne chance à tous ^^

Supersympa, 16.04.2024 à 14:31

Bonjour à tous ! Nouveau survivor sur le quartier Person of Interest ayant pour thème l'équipe de Washington (saison 5) de la Machine.

choup37, Hier à 08:49

5 participants prennent part actuellement à la chasse aux gobelins sur doctor who, y aura-t-il un sixième?

chrismaz66, Hier à 11:04

Choup tu as 3 joueurs de plus que moi!! Kaamelott est en animation, 3 jeux, venez tenter le coup, c'est gratis! Bonne journée ^^

choup37, Aujourd'hui à 19:45

Maintenant j'en ai plus que deux, je joue aussi sur kaa

Viens chatter !