INT – TAVERNE, SOIR.
C’est la fin de la journée et la taverne approche de sa fermeture. Le Seigneur Karadoc, assis à une table avec le Seigneur Perceval, baille.
Perceval : Tiens, j’ferais bien une p’tite partie de quelque chose…
Karadoc : Vous voulez qu’on fasse un cul-de-chouette ?
Perceval : Non, pas ça, c’est trop compliqué. Non, un truc qui joue vite.
Karadoc : Ben quoi, alors ?
Perceval réfléchit.
Perceval : On pourrait faire un Sloubi.
Karadoc : J’connais pas.
Perceval : Je vous explique, y’en a pour deux secondes.
Karadoc (au tavernier) : Oh, Tavernier ! On fait une partie ?
Tavernier (voix off) : Il finit sa caisse et il arrive !
Perceval : Non non non l’appelez pas, ça se joue à trois ! (Son ami ne répond pas) Bon, ça fait rien, on va se démerder.
***
OUVERTURE
***
INT. – TAVERNE, PLUS TARD.
Le Tavernier a rejoint ses amis. Il met les dés sur la table.
Tavernier : J’ai emmené les dés machinalement mais je sais même pas à quoi qu’on joue.
Perceval : On fait un Sloubi, pour rigoler.
Karadoc : Et ça se joue avec des dés ?
Perceval : On peut jouer avec des dés mais c’est pas important, ça.
Tavernier (dubitatif) : Ah bon ?
Perceval : Normalement, ça se joue avec des bouts de bois. Il faut cinquante bouts de bois de deux pouces, cinquante de trois pouces, cinquante de quatre pouces et ainsi de suite. Et à la fin il faut cinquante poutres de la longueur de la pièce. (Au Tavernier) Vous avez ça ou pas ?
Tavernier (dépassé) : Ah ben non, là j’ai pas.
Perceval : Bon ben ça fait rien. On joue avec les dés.
Karadoc : On l’aurait su avant, on aurait taillé des bouts de bois.
Tavernier : Oui…
Perceval : Non, à la limite ce qui serait pas mal… Est-ce que vous avez assez de dés pour remplir un seau comme ça ? (Il mime la mesure)
Le Tavernier désigne les trois dés sur la table.
Tavernier : Ah ben là, j’ai que ceux-là…
Karadoc : Pour quoi faire, un seau de dés ?
Perceval : Ben c’est plus facile d’en tirer cent ou deux cent d’un coup et d’additionner. Parce que là avec trois… On va être obligé de tirer quarante fois de suite à chaque fois.
Tavernier (comprenant) : Aaaah…
Karadoc : À cul-de-chouette y en a que trois et on tire juste une fois.
Le Tavernier acquiesce.
Perceval : Non mais là, on va faire soixante jets de dés chacun. Comme ça, on sera tranquilles, on aura de la marge.
***
INT. – TAVERNE, PLUS TARD.
La nuit est avancée. Karadoc se coupe des morceaux de saucisson pendant que le Tavernier essaie de calculer ses jets de dés. Plusieurs coupes vides ornent désormais la table.
Tavernier : Alors, six cent trente-trois plus (il lance les dés)… six cent trente-quatre, six cent trente-cinq, six cent quarante et un, six cent quarante-quatre !
Perceval : Bon, c’est qui qui a le plus gros ?
Karadoc : Bah c’est vous, vous avez fait huit cent j’sais pas combien…
Perceval : Ah ouais, donc c’est moi qui remporte le tour. Quand on remporte le tour à Sloubi, on a quatorze solutions possibles. Soit on annule le tour, soit on passe, soit on change de sens, soit on recalcule les points, soit on compte, soit on divise par six, soit on jette les bouts de bois de quinze pouces – ça, c’est quand on joue avec les bouts de bois. Soit on se couche, soit on joue sans atouts. Et après, il y a les appels : plus un, plus deux, attrape l’oiseau, rigodon ou « chante Sloubi ». Nous on va faire que « chante Sloubi ».
Karadoc : Mais, et le reste ?
Perceval (interloqué) : Quel reste ?
Tavernier : Eh ben, mais les autres trucs, là.
Perceval : Non non non, mais le reste, c’est chiant. Y a que « chante Sloubi » qui est marrant. Alors, c’est moi qui a gagné le tour, c’est moi qui chante Sloubi. Vous êtes prêts ? Attention, loupez pas le coche. (En chantant) Sloubi un, Sloubi deux, Sloubi trois, Sloubi quatre, sloubi cinq, Sloubi six, Sloubi sept, Sloubi, huit…
Perceval accompagne sa chansonnette de claquements de mains et de gestes enjoués. Le Tavernier et Karadoc échangent un regard perplexe.
Karaodc (coupant Perceval) : Qu’est-ce qu’on doit faire, nous ?
Perceval : Ben vous m’arrêter quand ça tombe sur votre score.
Tavernier (ahuri) : Mais le score des dés, là ?!
Karadoc : Bah, je sais même plus combien j’ai fait, moi…
Perceval : Trois cent vingt-cinq.
Karadoc : Ah ouais.
Tavernier : Moi six cent quarante-quatre.
Perceval : Allez, je recommence. Concentrez-vous. Sloubi un, Sloubi deux, Sloubi trois, Sloubi quatre, sloubi cinq…
***
INT. – TAVERNE, PLUS TARD.
Perceval chante encore. Karadoc et le Tavernier sont toujours aux aguets, ce dernier avec un air d’ennui ferme.
Perceval : Sloubi trois cent vingt-deux, Sloubi trois cent vingt-trois, Sloubi trois cent vingt-quatre, Sloubi trois cent vingt-cinq…
Karadoc (l’interrompant) : STOP !
Perceval : Faut pas dire « stop », faut dire « Sloubi ».
Karadoc : Sloubi !
Perceval : Voilà, donc là le tour il passe à vous. Comme vous êtes second, vous avez plus que dix-neuf solutions possibles. Soit passer, soit scier en deux les cinquante poutrelles de trente pieds – mais ça c’est quand on joue avec les bouts de bois. Sinon, c’est les relances. Doublette, jeu carré, jeu de piste, jeu gagnant, jeu boulin, jeu-jeu, joue-jeu, joue-joue, jougier, jouganou, gnagna, katakte, takate, kakatak, kagate-kata, ratakak-mik ou « chante Sloubi ». Nous, on va faire que « chante Sloubi ».
Le Tavernier et Karadoc échangent un regard, à moitié endormis. Le Tavernier acquiesce mollement.
***
GÉNÉRIQUE
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INT. – TAVERNE, NUIT.
Karadoc chante gaiement, supporté par ses amis, tous un peu pompettes.
Karadoc : Sloubi cent quatorze, Sloubi cent quinze, Sloubi cent seize… (Il se tait et fige)
Tavernier : Bah, pourquoi vous vous arrêtez ?
Karadoc : Je sais pas compter après cent seize…
Perceval : Sans déconner, vous pouviez pas le dire avant ?
Karadoc : J’y ai pas pensé.
Tavernier : Bon… Qu’est-ce qu’on fait ? (Suppliant) On arrête, là.
Perceval : Non, on fait dix jets de deux dés moins quatre.
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NOIR
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Perceval (voix off) : Ça contient le résultat entre seize et cent seize.
FIN
Rédigé par Sabricotte pour Kaamelott Hypnoseries