INT. – TABLE RONDE, JOUR.
Arthur fait les cent pas devant les Orcaniens, qui sont en apparence nonchalants.
Arthur : Non, je devrais vous faire mettre à mort, c’est sûr.
Galessin : Ça nous dit pas si vous allez le faire.
Loth : Vous seriez un peu gonflé, excusez-moi. Tout le monde sait que vous essayez progressivement d’abolir la peine capitale. C’est pas en nous mettant à mort que ça va avancer.
Arthur : Oui mais là il s’agit d’un putsch. C’est pas comme si vous étiez partis de la taverne sans payer. Moi, un coup d’état, si je le punis pas, je passe pour quoi derrière?
Loth : Ouais ben… si vous défendez vos idées à moitié, c’est pas tellement bon non plus pour votre réputation, hein. Nun pecat et nun replica. Non, ça veut rien dire mais bon heu…
Arthur lève les yeux au ciel.
Dagonet : Alors ? Qu’est-ce que vous allez faire ? Non parce que nous de not’ côté peine de mort, pas peine de mort… sans être d’un naturel inquiet, je vous avoue que j’aimerais bien être fixé.
Arthur s'arrête de marcher.
Arthur : Alors vous allez commencer par décarrer. Et retourner dans vos patelins. Et vous pointez plus vos tronches ici sans y avoir été invités, c’est clair ça ?
Galessin : Mais… Une fois qu’on est chez nous, qu’est-ce qu’on fait ?
Le roi recommence à faire les cent pas.
Arthur : Ce que vous y faites d’habitude… rien, donc. Et si un jour vous voyez un régiment de Kaamelott qui se pointe vous chercher, eh ben… c’est que je me serai décidé.
Loth (ironique) : Charmant !
Dagonet : Je vois pas très bien à quoi ça a servi de venir ?
Arthur : Vous préférez que je me décide tout de suite ? Vous serez pas venus pour rien… Gauvain. Auriez-vous l’obligeance de vous retirez un moment, je vous prie.
Gauvain (fronçant les sourcils) : Pardon ?
Arthur : Foutez le camp.
Gauvain : Ah ! Oui, mon oncle.
Gauvain se lève et sort.
***
OUVERTURE
***
INT. – CHAMBRE, TAVERNE, JOUR.
Karadoc entre dans une chambre qui a des lits jumeaux superposés. Perceval qui y dormait se réveille.
Karadoc (énervé) : Non, là, franchement, y’en a maaaaa-rre!
Perceval (en se redressant) : Mais qu’est-ce qui s’passe?
Karadoc : Y faut qu’on refasse toute la vaisselle.
Perceval : Quoi?!
Karadoc : Soi-disant qu’y reste des tâches de jaune d’œufs!
Perceval : Non mais c’est pas vrai! On est en heure de pause, là!
Karadoc : Alors moi je devais retourner à Kaamelott pour aller chercher mes p’tits fromages et je fais comment là, maintenant?
Perceval : Votre femme, elle peut pas vous les ramener?
Karadoc : Mais non ils ont pas tous finis d’affiner! Il faut choisir, elle saura jamais faire.
Karadoc enlève sa chemise.
Perceval : Bon ben si vous voulez, je la fais la vaisselle, moi. Comme ça vous allez chercher vos fromages.
Karadoc : Je vais pas vous laisser faire toute la vaisselle, quand même.
Perceval : Non mais le truc c’est que moi j’étais sensé dormir à Kaamelott le soir parce que je dois voir le roi demain matin tôt.
Karadoc : Bon ben il faut qu’on dorme là-bas.
Il enfile une autre chemise.
Perceval : Ouais, mais le temps de refaire la vaisselle ça nous faire partir de nuit.
Karadoc : Ça me gonfle, mais ça me gooon-fle!
Perceval : Il exagère pas un peu avec ses traces de jaunes d’œuf, l’autre?!
Karadoc : Ah ben c’est tout pour nous emmerder, hein! Et il fait sa bêcheuse parce qu’il reste deux traces d’œufs et il lave même pas par terre! Y’a ça de merde partout.
Perceval : Mais c’est pas nous qui sommes sensés laver par terre?
Karadoc : Si, mais c’est pas une raison.
Perceval : Alors qu’est-ce qu’on fait?
Karadoc : Déjà, il faut qu’on arrête de déménager trois fois par s’maine! Kaamelott, la taverne, Kaamelott, la taverne, Kaamelott, la taverne, Kaamelott, la taverne, Kaamelott, la taverne…
Perceval (l’interrompant) : Ouais, au bout d’un moment ça soule.
Karadoc : Ouais. On est des chevaliers ; on vit comme des bohémiens.
Perceval : Ça ira mieux quand on aura remboursé not’ dette!
Perceval s’allonge à nouveau. Karadoc commence à faire son baluchon.
Karadoc : On va mettre dix ans à rembourser notre dette, faites-pas celui qui a pas compris, non plus.
Perceval (en se redressant) : On va pas mettre dix ans.
Karadoc : Mais si.
Perceval s’assied.
Perceval : Non. S’il nous augmente d’un quart de solde pour le ménage et qu’on enlève ce qu’on doit de la dette, plus ce qu’il nous prend pour la chambre et la bouffe, on va mettre cent-seize ans, deux mois et vingt-six jours.
***
INT. – TABLE RONDE, PLUS TARD.
Arthur est assis face à Loth, Dagonet et Galessin.
Arthur : Avant de vous renvoyer chez vos bonnes femmes, il faut régler la question de Gauvain.
Loth ne comprend pas et fronce les sourcils.
Loth : Régler la question de Gauvain?
Arthur : Parfaitement. Parce qu’autant vous, je peux vaguement vous tenir pour responsables de vos actes…
Dagonet (le coupant) : Attendez, attendez. Moi je peux pas être tenu pour responsable de mes actes.
Arthur : Pardon?
Dagonet : Ça a été assez évoqué. Paraît que je comprends rien à rien et que je fais que suivre.
Ses compagnons lui emboîtent le pas.
Loth : Moi je vous ai expliqué, c’est ma femme qui me pousse au méfait. Euh, si on veut rester logique, je suis pas tellement responsable non plus.
Arthur commence à s’énerver.
Galessin : C’est pas pour la ramener mais moi j’ai fait que suivre les ordres de mon roi. Si on veut vraiment parler responsabilité…
Loth : Ou alors, l’amour est responsable! Mais là… In melios stad vertus. (À Dagonet) Non non, c’est tout à fait correct : « La vertu est dans le juste milieu ». (À Arthur) En revanche, ça a rien à voir avec la conversation.
***
INT. – CHAMBRE D’YVAIN, KAAMELOTT, JOUR.
Yvain est affalé sur son lit quand on frappe à la porte.
Gauvain (off) : Seigneur Yvain!
Yvain : Ouais, ma mère a dit de prévenir : je peux rien faire de la journée, j’ai une laryngite.
Gauvain (off) : C’est moi, c’est Seigneur Gauvain!
Yvain (enthousiaste) : C’est pas vrai?! Oh entrez, entrez!
Il se redresse immédiatement et s’assied sur son lit alors que Gauvain entre.
Gauvain et Yvain : WOUUHOUU!
Ils débutent alors leur exubérante routine de bruit et sifflements accompagné de mouvements abstraits.
Gauvain (content) : Aaah Seigneur Yvain je suis fort aise de vous trouver!
Yvain : Ah mais moi trop pareil! Alors, qu’est-ce que vous faites là?
Gauvain devient aussitôt plus sobre.
Gauvain : Mon père et ses hommes sont en pleine réunion avec le roi.
Yvain : Ah. (Il hoche la tête) Euuuh mais en fait j’ai pas tout pigé, moi. Parce que votre père il a volé des cagettes de légumes, c’est ça?
Gauvain : …Non. Il a tenté de renverser le gouvernement, en prêtant main forte au renégat Lancelot.
Yvain (poliment désintéressé) : Ah d’accord. Ben… c’est- c’est- c’est super. Et sinon qu’est-ce qu’on fait nous, alors? On repart à l’aventure?! WOU…
Il commence à faire des mouvements étranges avant de se rendre compte de la faible réplique de son ami.
Gauvain : Non, j’ai bien peur que mon père ne soit contraint sous peu de regagner l’Orcanie. Si ce n’est pire!
Yvain (déçu) : Ah non, vous allez pas vous re-barrer!
Gauvain : Je suis fils du roi d’Orcanie. (Au bord des larmes) Et même si je n’ai jamais cherché à nuire à mon oncle bien-aimé… me voilà relégué au rang des conspirateurs!
Ils sont interrompus par Dame Séli qui arrive avec une bûche à la main.
Séli : Oh, si vous êtes malade, vous tenez le lit. Vous taillez pas le bout d’gras avec… (Elle aperçoit Gauvain) Tiens!
Gauvain : Dame Séli.
Elle entre dans la pièce et se dirige d’un air insolent vers Gauvain.
Séli : Mais vous êtes encore sur vos deux pieds, à c't'heure? Je croyais que le roi vous aurait pendu à une corde dès votre arrivée.
Gauvain (intimidé) : C’est heum, c’est en train de se régler…
Séli : Mm-mm.
Yvain : Mère! Je vous signale que c’est ma chambre personnelle. Et que la moindre des politesses serait de frapper avant d’entrer.
Séli : Et à coup de bûche sur le dessus du crâne, ça ferait l’affaire?! Je suis venue allumer vot’ feu parce que vous êtes sensé être terrassé par le mal! ANDOUILLE!
Yvain : Mais je suis hyper terrassé, mais c’est que là je discute de trucs avec mon coéquipier parce qu’on va repartir en mission, j’vous f’rais dire!
Séli : Ah! Eh ben j’vous conseille d’envisager la version solo, parce que votre coéquipier, sur les coups de midi, y va pas en rester grand-chose.
Yvain (effaré) : Attendez, c’est son neveu. Il va quand même pas le mettre à mort! Ça va, quoi…
Séli : C’est pas son neveu, (elle gesticule avec la bûche) c’est un trou du’c de traître.
Yvain : Mais c’est son père qui a trahi!
Séli : Oui, bon ben c’est un fils de trou du’c de traître. (Elle lâche la bûche dans les bras de Gauvain) Ça se met à mort aussi bien!
Elle sort de la pièce.
***
INT. – TABLE RONDE, PLUS TARD.
Arthur semble être à bout de patience. Il tente une dernière approche.
Arthur : Vous êtes trois abrutis adultes. À vos âges, pardonnez-moi, on peut plus faire grand-chose pour vous. Ce qui n’est pas le cas de mon neveu, Gauvain… Qui, même s’il est déjà… bien engagé sur le chemin de la crétinerie, possède encore de maigres chances de faire quelque chose de ses dix doigts. Donc, voilà ma proposition : puisqu’on ne peut pas décemment lui demander de choisir entre le clan de son oncle et celui de son père, je vais lui proposer de fonder son propre clan. Avec son partenaire habituel, le Seigneur Yvain, che- (Il est accablé par l’absurdité du titre mais se reprend) chevalier au Lion, un autre taré avec lequel il semble s’accorder. Pas d’objections?
Tout le monde regarde Loth qui n'a pas l'air de se sentir concerné.
Loth : Vous me demandez mon avis?
Arthur : Ben… Oui, non c’est vrai que j’suis pas obligé mais bon… C’est votre fils, quoi. Ça veut dire, par exemple, qu’il rentre pas avec vous en Orcanie.
Loth : Ah ben oui mais moi j’aime autant, hein. Il est malade en carriole. Si vous croyez que c’est marrant…
Arthur hoche la tête.
***
GÉNÉRIQUE
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INT. – TAVERNE, SOIR.
Perceval et Karadoc essuient de la vaisselle derrière un comptoir. Le tavernier vient les voir, écuelle à la main.
Tavernier : Bon, alors c’est pas compliqué : y’a deux écoles. Soit vous considérez que ça là (il gratte le fond du bol tâché avec une cuillère) – voyez? – ça fait partie intégrante de l’écuelle, alors à ce moment là, vous le laissez. Soit vous estimez, comme moi, que c’est du gras de jambon de midi et à ce moment là vous vous retapez la vaisselle une troisième fois parce que vous me laissez de la merde partout.
Il fait demi-tour et s’éloigne. Les chevaliers soupirent et reprennent leur travail.
Perceval : Bon ben on est marron pour rentrer à Kaamelott.
Karadoc : Non mais à force de jamais y aller, on va finir par se faire virer de la Table Ronde et puis c’est tout.
Perceval : Vous savez ce que c’est notre problème? On s’est rendu indispensables pour trop de gens. Du coup, ils veulent plus nous lâcher.
Karadoc : Ah ben carrément.
Perceval : Vous savez qui c’est le moins con de tous? Hé ben c’est Lancelot. Il a fait son p’tit clan à lui, peinard, tranquille. S’il a envie de mettre du jaune d’œuf sur la vaisselle, il fait ce qu’il veut. Personne pour venir lui donner des ordres… Seulement, il a eu le courage de devenir indépendant.
Karadoc se fige. Perceval le voit faire et se fige à son tour, les yeux exorbités.
Karadoc : Vous pensez à la même chose que moi?
Perceval (voix off) : Non je pense à rien, mais vous faites les gros yeux alors j’fais pareil.
Rédigé par Merlinelo pour Kaamelott Hypnoséries