INT. – TAVERNE, JOUR.
Le tavernier est exaspéré. Perceval et Karadoc nettoient les tables de l’établissement vide.
Perceval (énervé) : Non mais arrêtez de nous baratinez avec vos chiffres, là!
Karadoc : Les chiffres, c’est pas une science exacte, figurez-vous!
Tavernier (épuisé) : Bon Dieu, vous voulez pas essayer de vous concentrer cinq minutes, non? Ça fait depuis ce matin que j’essaie de vous expliquer…
Perceval : Mais justement! Depuis ce matin, vous nous bassinez avec vos théories ; ça fait longtemps qu’on a décroché, nous.
Le tavernier semble reprendre courage.
Tavernier : Bon, attendez, on va faire encore plus simple. Euh, on est bien d’accord que vous travaillez ici pour me rembourser le fric que vous me devez?
Karadoc (énervé) : Oui bon, ça, ça va, on est au courant!
Perceval : Nous prenez pas trop pour des cons quand même.
Le tavernier lève les mains.
Tavernier : Bon! Alors mettons que… çaaa (il prend un petit oignon). Ça représente ce que vous gagnez par jour en travaillant ici.
Karadoc : Quoi?! Mais c’est dégeulasse!
Perceval jette son chiffon, indigné.
Perceval : Attendez, on n’a jamais dit qu’on voulait être payés avec des oignons, nous!
Karadoc : Ah ben c’est sûr ; à un oignon par jour, on n’est pas prêts d’éponger nos dettes!
Tavernier : Mais non, non, mais non. Mais non! C’est juste pour vous montrer… L’oignon ça- ça- ça représente ce que vous gagnez par jour, c’est pour donner une image.
Karadoc : Ouais, vous fatiguez pas, on a compris.
Perceval (ironique) : Elle est super votre image. (Lui et Karadoc s’éloignent) On se fait enfler comme des bleus, c’est tout!
Karadoc : On va faire pareil, nous aussi : quand on viendra boire un coup, on va vous payer avec des oignons!
Perceval : On verra la gueule que vous ferez!
Insultés, ils quittent la pièce.
***
OUVERTURE
***
INT. – TABLE RONDE, JOUR.
La rencontre avec les traîtres Orcaniens se poursuit. Les renégats boivent dans des coupes mais Loth semble s’ennuyer.
Loth : Ah! Non mais comment voulez-vous que je le sache, moi, où est Lancelot?
Arthur : On parle bien du même Lancelot, hein?
Dagonet : Ben moi en tout cas j’en connais pas cinquante.
Loth (en gesticulant) : Chuuut!
Arthur : Si ça vous gêne d’en parler on peut très bien passer à la question suivante, hein. Par exemple : est-ce que je dois vous mettre à mort ou pas?
Loth : C’est pas que ça me gêne d’en parler mais qu’est-ce qui vous fait croire que je sais où il est?
Arthur : Mais c’est pas votre allié?
Loth : Oh! Mon allié! Ah j’en étais sûr!...
Il passe une main dans son visage, comme si l’idée l’offensait.
Dagonet : Ben… C’est pas notre allié?
Loth (ahuri) : Mais taisez-vous mon pauvre ami!
Dagonet : Mais attendez, à l’époque-
Loth (le coupant) : Mais à l’époque vous compreniez pas plus la situation que maintenant. Alors fermez-là et laissez parler les honnêtes gens…
Arthur (grave) : J’ai demandé où était Lancelot. Je veux qu’on me répondre.
Loth : Ah mais vous êtes encore là-dessus? Ah! Excusez-moi mais je pensais que ça vous étais sorti de la tête.
Arthur pose fermement son gobelet.
Tavernier (off) : Donc! On est d’accord…
***
INT. – TAVERNE, AU MÊME MOMENT.
Le tavernier est parvenu à réunir Perceval et Karadoc afin de continuer son explication. Ils ont les bras croisés et sont sur la défensive.
Tavernier : Ça (il prend l’oignon) c’est ce que vous gagnez en un jour de travail ici. Mais! Ça veut pas dire que vous gagnez des oignons. Non! Ça représente ce que vous gagnez, d’accord?
Les chevaliers sont dubitatifs.
Karadoc : Ouais…
Perceval : J’aime pas bien ça mais… mettons.
Tavernier : Bon!... (Il pose l’oignon) On est tous aussi d’accord pour dire que comme vous travaillez ici, ça vous arrive souvent de prendre les repas et de prendre une chambre. Donc! On pourrait dire… que çaaa (il prend un autre oignon, deux fois plus gros), ça représente ce que vous me devez par jour.
Il soupèse les deux légumes avec éloquence.
Tavernier : Vous voyez un peu où je veux en venir, là?
Karadoc craque.
Karadoc : C’est compliqué mais c’est compliqué!
Perceval (sévère): Vous croyez pas qu’on a autre chose à foutre que de s’échanger des oignons?
Karadoc : Ça fait une heure qu’on est là-dessus!
Perceval : Si vous avez quelque chose à nous dire ; vous nous le dites et puis c’est tout.
Karadoc s’empare des oignons.
Karadoc : Puis arrêtez de jouer avec la nourriture, ok?! (Il regarde Perceval) Au bout d’un moment… ça va bien.
Perceval acquiesce.
Loth (off) : Non!
***
INT. – TABLE RONDE, AU MÊME MOMENT.
Loth : Parce qu’on dit Lancelot. Mais avec ses airs de petit minet et ses jolies bottes bien cirées… vous pensez pas que j’allais lui faire confiance comme ça?
Arthur (sceptique) : Ah parce que vous lui faisiez pas confiance, en fait?
Dagonet : Moi en tout cas-
Loth s’énerve.
Loth : Non, vous, vous la bouclez, ça fait vingt-cinq fois qu’on vous le dit!
Dagonet : Je me tire, alors?
Loth : Non, vous restez là pour soutenir les p’tits copains... Mais ça veut pas dire qu’on est obligé de se farcir vos réflexions!
Galessin : Sire, quand le roi Loth m’a désigné comme Premier Lieutenant de Lancelot c’était plus pour que je le surveille que pour être sous ses ordres.
Loth : Exactement!
Arthur : Écoutez, vous êtes bien gentils, tous, mais si vous essayez de m’expliquer qu’en fait vous m’avez pas trahi, je vous le dis tout de suite, ça a tout de même peu de chance de passer. Parce que là, si je vous laisse partir en canon, dans cinq minutes vous m’avez sauvé la vie.
Loth : Ah bah quand même! Sauvé la vie… sauvé la vie, p’t’être pas. Disons qu’on s’est débrouillé pour vous éviter le pire.
Arthur : Le pire.
Dagonet : Ah, celle-là tout de même, je sais pas si je l’aurais tenté.
Loth : Parfaitement, sire. Le pire, il s’appelle Lancelot du Lac. Et il était devenu aussi dangereux pour moi que pour vous. Alors si vous voulez mon avis, il s’est foutu en l’air, le Lancelot. Il a sauté du haut de la falaise ou quelque chose dans le genre.
Arthur : Tiens-donc! Et qu’est-ce qui vous fait dire ça?
Gauvain : Il était devenu complètement fou, mon oncle. On dit qu’il parlait sans cesse d’un homme en noir qui venait l’épier. Une invention de son esprit malade.
Galessin : Et puis, la dernière fois qu’il est rentré à son camp, y’avait plus de camp et Guenièvre s’était enfuie chez vous.
Loth prend un air désolé et secoue la tête.
Loth : Le coup fatal. Celui qui l’aura poussé au dernier recours. Non! Vous pouvez dormir tranquille, sire, vous n’entendrez plus jamais parler de lui. Moi non plus et c’est tant mieux. Odi panem quid meliora. Ça veut rien dire, mais je trouve que ça boucle bien.
Il hausse les épaules, suivi d’Arthur.
***
INT./EXT. – GROTTE, JOUR.
Lancelot du Lac est assis, sale et en haillons, devant un petit feu dans une sombre grotte. Il broie du noir quand il prend son javelot de fortune et presse la pointe contre son cou. Il inspire plusieurs fois le temps de prendre courage. Il s’apprête à réaliser l’acte ultime lorsqu’il entend un homme rire.
Méléagant (off) : Ma-gni-fique!
Lancelot baisse son arme.
Lancelot : Qui est là?
Aucune réponse. Il se lève et va à l’extérieur. Les rafales de l’hiver agrippent ses vêtements mais cela ne semble pas arrêter un homme en capuche noire, cheminant sur la montagne enneigée.
Méléagant : Ha ha ha ha! Hé! Magnifique! (Il indique le paysage) Vous avez vraiment bien trouvé! J’ai jamais contemplé quelque chose d’aussi déprimant!
Il rit à nouveau en s’approchant de Lancelot.
Méléagant : Je me demande d’ailleurs, comment vous avez fait pour tenir aussi longtemps avant de chercher à vous égorger.
Lancelot hausse les épaules.
Lancelot : Vous m’aviez demandé de me retirer loin de tout, alors…
Méléagant : Mais je pensais que vous auriez trouvé une p’tite clairière. Avec un ruisseau. Les tocards prennent toujours leur retraite près d’un ruisseau, à cause de la soif. Pourtant une retraite, c’est une retraite de tout, ne croyez-vous pas? (Il perd son ton joyeux) Moi quand j’ai plus rien à faire ici, je me retire. Plus une goutte d’eau, plus un rayon de soleil… (Il est nez-à-nez avec Lancelot) je me dessèche. De la tête au pied en un petit cadavre sous un tas d’feuilles. Les saisons me survolent sans me soupçonner. Et puis, un jour, la corneille raconte qu’elle a entendu au loin quelqu’un qui recommence à pleurer : « Guenièvre! Guenièvre! ». (Lancelot baisse la tête) Alors là, j’ouvre un œil, je rampe, mangeant la neige, léchant l’eau croupie. Et mes ennemis tressaillent, car à me voir boire ils comprennent que je suis de retour. (Pause) Vous m’faites pas rentrer?
Lancelot se retourne et mène Méléagant à sa grotte. Celui-ci ricane.
Méléagant : Magnifique…
***
GÉNÉRIQUE
***
INT. – TAVERNE, PLUS TARD.
Dans l’établissement bondé, le tavernier est désespéré de faire comprendre son problème à Karadoc et Perceval.
Tavernier : Donc, au lieu de me rembourser votre dette petit à petit, vous me la creusez!
Karadoc : Moi, j’en ai marre!
Perceval : Ouais, en plus on pue les oignons, c’est un scandale.
Tavernier (exaspéré) : Bon Dieu, c’est pourtant pas compliqué!
Perceval : Non, la solution ce serait qu’on rentre à Kaamelott tous les soirs et qu’on vienne le matin pour économiser d’la chambre. Seulement avec les temps de trajets, on peut bosser que deux tiers journées. C’est à vous de nous dire si un tiers de solde est supérieur au prix de la chambre, en sachant qu’on dort pas là la veille d’une réunion de la Table Ronde ni l’avant-dernier jour de la semaine. Et si on séjourne là, on fait des demie-journées en hiver et en automne, parce qu’on doit partir plus tôt à cause de la nuit qui tombe.
Karadoc a le regard vide et le tavernier ne comprend pas.
Tavernier : De quoi?!
Perceval : Bon, mettons que ça (il prend un quignon de pain) c’est ce que vous nous payez par jour…
Karadoc : Et franchement, nous payer avec un quignon de pain…
Karadoc (voix off) : C’est vraiment pute.
Rédigé par Merlinelo pour Kaamelott Hypnoséries