Calogrenant et Léodagan boivent en silence, près de la cheminée. Séli entre bruyamment dans la pièce.
Séli: Tiens donc! Qu’est ce que vous glandez là vous autres?
Léodagan: Le jour de mon mariage, si on m’avait dit qu’elle tournerait comme ça, ma parole, plutôt que de dire oui, je me serais coupé les deux guitares. Propre et net. (Calogrenant approuve d’un hochement de tête.)
Séli: Bah c’est peut-être pas encore trop tard, grand crono!
Léodagan (désigne sa femme de la main): Voilà. Alors moi je suis rentré dans une rengaine, hein, je me rends plus compte mais heu de l’extérieur, ça fait couple harmonieux ou pas?
Calogrenant (prudent): Sans aller jusqu’à parler d’harmonie (Léodagan plisse les yeux d’un air suspicieux), y a une régularité.
Séli: Bon est-ce que vous connaissez le Duc d’Aquitaine?
Calogrenant: Le Duc d’Aquitaine?
Léodagan (sourit): Ah c’est ça qui vous mets de travers.
Séli: Ca et le reste, le château est plein de visiteurs soit-disant de marques, qui viennent pour retirer Excalibur du rocher, et qui sous couvert de visites officielles nous piratent les chambres et le garde-manger. J’en ai ma claque!
Calogrenant (mal à l’aise): Et le Duc d’Aquitaine?
Séli: Hé bah il fait partie du lot! Sauf que lui il se paie ma bobine en plus du reste. Alors comme j’allais justement lui botter le train je vous demande si le Duc d’Aquitaine c’est du gros bonnet, ou du grouillot.
Calogrenant (réfléchit): C’est du gros bonnet. (se tourne vers Léodagan pour lui demander son avis)
Léodagan: Plutôt, ouais.
Séli (déconfite): Bon. (Elle quitte la pièce. Léodagan et Calogrenant se fixent tout en continuant de boire leurs coupes.)
***
Séli est présente dans la chambre du Duc d’Aquitaine, elle semble préparer un mauvais coup. Un serviteur fait soudain sonner une trompette qui réveille brutalement le Duc d’Aquitaine.
Séli: Stop, merci, foutez le camp. (le serviteur sort de la chambre.)
Duc: Qu’est ce qui se passe?
Séli: Digne d’Aquitaine. Ici aux hôtes de marque tous les matins on leur envoie leur hymne.
Duc: Oooh dis donc c’est, c’est flatteur. Mais en fait l’hymne d’Aquitaine…
Séli: Non mais là c’est une réduction pour trompettes seules, on est obligé de réduire vous comprenez.
Duc: Ah bah écoutez encore une fois c’est très sympa et j’ai envie de dire que c’est ça qui compte mais en fait en Aquitaine y a d’hymne.
Séli: Oui bah comme ça ça vous en fera un! Dites, je voulais vous demander, est-ce que vous vous considérez comme du gratin?
Duc: Bah on va dire qu’à un niveau personnel, en ce qui me concerne, j’ai su préserver une certaine simplicité, maintenant je sais pas ce que vous entendez par du gratin.
Séli: Oui, non mais parce que comme on manque de chambres et que les notables poussent au portillon je suis obligée de me faire une idée de votre statut, voyez, parce que je sais même pas où ça se trouve moi l’Aquitaine!
Séli: L’Aquitaine, comment vous dire, c’est, vous voyez l’Armorique?
Séli: Non.
Duc: Heu, l’Agaromia?
Séli: Non!
Duc: Burdigala.
Séli: Non plus.
Duc: Ouais, prenez les Pyrénées…
Séli: Non, écoutez, heu cher duc, je vais pas y aller par quatre chemins, vous avez demandé une chambre pour deux, vous êtes tout seul, ça m’énerve! Et vous ne devez qu’à votre rang, supposé, de ne pas être encore passé par la fenêtre avec vos bagages!
Duc: Ah non non non, mais c’est parce que ma femme va venir…
Séli: Oui non mais on me l’a déjà faite, et tout ça pour gagner un peu d’espace, mais quand vous serez à poil dehors vous allez en avoir de l’espace croyez-moi! Allez hop! Allez!
Duc: Non mais…
Séli: Si, si, allez, hop! (Elle enlève la couverture du Duc, qui se lève, dépité.) Allez.
***
Duc: A votre avis, c’est en train de chauffer, là?
Père Blaise: C’est possible, oui.
Duc: J’aurais jamais dû parler de cette histoire, je me doutais que ça allait faire des problèmes.
Père Blaise (pose ses papiers): Ecoutez, on s’adresse pas à un duc comme à un traîne-galloche.
Duc: Non mais c’était pas dit méchamment.
Père Blaise: Elle vous a pas traité d’ahuri? Non? Bah de quoi alors?
Duc: Pédiatre elle a dit je crois.
Père Blaise: Elle a pas dit pédale plutôt?
Duc (cherche le terme exact sans le trouver): De toute façon c’était pas dit méchamment.
Le Père Blaise est effaré par la gentillesse du Duc. Arthur rentre dans la pièce.
Arthur: Voilà, bon excusez-moi cher duc, hein (il met sa main sur l'épaule du duc en signe d'excuse), je suis vraiment confus mais qu’est ce que vous voulez, il se trouve que ma belle-mère fait parfois preuve d’une certaine véhémence… (Il s'asseoit à côté du Père Blaise.)
Duc: Nan mais vous allez pas vous disputer, vous savez un sourire est souvent la solution au vilain courroux.
Arthur (ne comprend pas l'attitude du duc, change de sujet): Mmm, ouais, tout à fait, alors, j’ai pas tout compris, parce que ce matin c’est un petit peu la panique, heu qu’est ce qui s’est passé, elle vous a attaqué avec une arme, c’est ça?
Duc: Non, non, non, non, elle m’a juste mis un coup dans la cuisse avec une petite binette.
Père Blaise: Bah donc elle vous a attaqué.
Duc: Non, non, non, c’est une binette, c’est pour biner, c’est du jardinage, c’est pas vraiment des armes…
Arthur: Oui enfin quand on commence à se les planter dans la cuisse c’est déjà moins du jardinage tout de même.
Père Blaise: Oui bon, en tout cas, y a affront sire.
Arthur: Oui, je sais bien. Je sais bien, alors voilà ce qu’on pourrait éventuellement vous proposer c’est en plus des excuses officielles évidemment, la cession d’un petit bout de terre quelque part sur le royaume de Kaamelott, voilà en signe de bonne entente. Voilà ce qu’on peut faire qu’est ce que vous en dites, ça vous, ça vous irait ça?
Duc: Ouais moi ça me va très bien, sauf que je suis pas sûr de posséder un bout de terre du royaume de Kaamelott, je, je pense que j’en ai pas, mais en, en Terre d’Aquitaine, ça je peux vous trouver un très joli bout de terre oui.
Père Blaise: Non! C’est, c’est nous qui vous cédons un bout de terre.
Duc: Je comprends pas, pardon, vous voulez que je fasse des excuses et vous me cédez un bout de terre.
Arthur: Mais qu’est ce que vous nous… Non, ça me gonfle, ça dure trop longtemps. Qu’est ce que vous me faites là? On vous fait des excuses et puis on vous cède un bout de lopin, qu’est ce qui y a?
Duc: D’accord. Redites?
Arthur: On vous fait des excuses et on vous cède un bout de lopin. (articule)
Duc: D’accord. Mais je fais quand les excuses à la dame?
Père Blaise: Mais quand est ce que vous vous excusez de quoi?
Arthur: D’avoir pris de la binette dans la cuisse?
Duc: Ecoutez ce que je vais faire, c’est que je vais lui offrir un joli cadeau pour me faire pardonner. Hein, qu’est ce qu’elle aime? (Sourire idiot, le roi et le Père Blaise se consultent du regard, dépassés.)
Arthur: Les pièges à loups.
Père Blaise: Les pendaisons.
Duc: Les pendaisons. (pensif)
***
Séli (Fait sonner la trompette): Debout là dedans, les poils bien en l’air!
Duc (se lève): Attendez! Attendez, attendez, attendez.
Séli: Qu’est ce que c’est que ce micmac? (Menace le duc d’une arbalète.)
Duc: Alors, j’ai bien compris la problématique de la chambre à deux, du coup, j’ai été en bas dans le couloir avec les notables là qui attendent d’être logés, j’ai proposé à cette personne de partager le lit, voilà, comme ça la chambre est remplie le temps que ma femme arrive.
Séli: Et c’est qui celui-là? Le roi de quoi?
Duc: Alors bah c’est un petit peu là que ça pèche, heu cette personne ne parlant pas la langue, j’ai jamais en fait vraiment pu lui faire dire d’où elle venait quoi.
Séli: Mais vous l’avez trouvé où?
Duc: Bah en bas dans le couloir avec les autres. Alors au début je me suis dit c’est le roi Baram VI.
Séli: Le couloir en bas c’est les clodos qui viennent pour qu’on leur donne à bouffer.
Duc: Comment ça?
Séli: Votre pote là c’est pas Baram VI, c’est un clodo.
Duc: Ah bon.
Séli: Au fait je suis venue vous, présenter mes excuses. (méprisante)
Duc: Vos excuses? Et l’arbalète là?
Séli: Ah non l’arbalète c’est pour vous dire que excuses ou pas excuses, au moindre pet de travers je vous flanque un carreau dans les miches. Par exemple ramener un clodo dans la chambre, ça fait partie des pets de travers.
Duc (très bas): Mais c’est un petit peu délicat de lui demander de partir maintenant, quand même.
***
Duc: Ecoutez ma mie, j’ai confondu cette personne avec Baram VI. Bon, ça peut arriver.
Duchesse: Mm. Vous êtes vraiment un gros débile. Baram VI c’est un sassanide.
Duc: Un quoi?
Duchesse: Un perse.
Duc: Hé ben?
Duchesse: Hé ben lui là pour le confondre avec un perse il faut vraiment être un super débile, c’est tout.
Duc: Bah perse ou pas perse, je ne me sens pas de lui dire de partir. (Les deux époux se taisent et chacun évite le regard de l'autre.)
Rédigé par Ellielove pour Kaamelott Hypnoweb