Arthur: Voilà donc on vous a convoqué, heu tous les deux, parce que nous avons constaté en fait, que vous n’avez pas tenté de retirer hein, ni l’un ni l’autre apparemment…
Père Blaise: En tout cas ça m’a pas été rapporté…
Arthur: Voilà. De retirer Excalibur du rocher.
Père Blaise: Bon, ensuite, heu, il faut savoir que, y a pas toujours quelqu’un en permanence au rocher en train de vérifier qui vient, qui vient pas. Donc, peut-être que vous y êtes allés, et que c’est pas dans mon registre. (Un ange passe, Arthur et le Père Blaise fixent Bohort et le Duc, qui leur sourient bêtement.)
Arthur: C’est une question en fait, vous y êtes allés ou pas?
Duc & Bohort: Ah! (ils rient)
Bohort: Non, sire.
Duc: Non moi non plus, je, en fait, ça s’est mal goupillé. Mais je trouve ça vachement bien…
Arthur: Alors attendez parce que j’avais pas tout à fait fini… Donc en fait, il faudrait commencer à se grouiller un petit peu, parce que je, j’attends un peu que tout le monde ait fini pour aller moi-même la récupérer, Excalibur.
Père Blaise: Bah est ce que vous pourriez y aller aujourd’hui par exemple, hein, heu, on part ensemble si vous voulez, j’y vais moi.
Arthur: Comment ça vous y allez?
Père Blaise: Bah heu, oui quoi j’ai pas le droit d’essayer, heu? (Il mime une épée qu’on retire. Le duc et Bohort sont mal à l’aise.)
Arthur: Non, non, si si si…
Père Blaise: Ah.
Duc: En même temps quand quelqu’un essaie, vous avez pas l’air de super apprécier non plus… C’est normal que de notre côté on ait pas forcément envie de créer ce rapport là avec vous.
Bohort: Je n’avais jamais formulé ça comme ça mais, c’est tout à fait pertinent.
Duc: Voilà. C’est pour ça je pense que c’est bien de prendre cinq minutes pour se dire les choses. Voilà, en toute amitié.
Arthur et Père Blaise échangent un regard blasé.
***
Yvain et Gauvain rejoignent la longue queue de personnes venues pour retirer l’épée.
Yvain: Ah ouais, mais y a carrément du monde en fait.
Gauvain: Vous allez pas me dire qu’ils sont tous venus pour retirer l’épée, tout de même!
Yvain: Peut-être qu’il y en a deux trois qui sont juste là pour nettoyer, hein.
Gauvain: Mais enfin c’est tout de même évident que le futur roi de Bretagne doit être d’extraction bourgeoise, sinon royale.
Yvain: Et Arthur, il est d’extraction machin là?
Gauvain: Bah oui c’est le fils de Pendragon.
Yvain: Pendragon c’est lequel déjà?
Gauvain: Comment ça, c’est lequel?
Yvain: Heu c’est pas celui qui s’est foutu à poil et qu’a déposé les armes devant les pieds de César, c’est pas ça?
Gauvain: Vercingétorix?
Yvain: Bah Arthur c’est pas le fils de Vercingétorix…
Gauvain: Bah non.
Yvain: En plus Vercingétorix, en quoi est ce qu’il est d’extraction bourgeoise, s’il vous plait, quoi…
Gauvain: Ah mais attendez parce que…
Yvain: Non non mais voilà c’est bon quand on sait pas on dit rien c’est tout. (Moment de froid entre les deux compères, un homme vient alors se placer derrière eux et les fixe. Ils le dévisagent et se regardent un instant avant de reporter leur attention sur le rocher et la foule qui s’agite. Gauvain a l’air singulièrement énervé.)
***
Duc: Mais attention je trouve l’expérience extraordinaire! Je pense qu’il y a un fait rationnel, une épée dans un rocher. Et chacun ensuite doit se positionner par rapport à sa relation au pouvoir, hein, à la notion ambitionnelle, hein, là on va être sur des termes qui veulent rien dire, qu’il entretient par rapport à la, carrière.
Arthur: Ouais. Tout ça, c’est super. Vous y allez quand?
Bohort: Heu, sire. Il y a une chose que je ne comprend pas très bien, pour tenter de retirer Excalibur du rocher, ne faut-il pas nourrir quelque ambition de devenir roi de Bretagne? De prendre votre place?
Duc: Bah…
Bohort: Pardon?
Duc: Non, non non, c’est parce que… Vous venez de dire un peu mot pour mot ce que je viens de dire, mais non allez-y.
Père Blaise: Je, je sais pas si on peut vraiment parler de nourrir…
Arthur: Non y a rien à nourrir non. Ecoutez, je sais, je crois pas qu’il faille se poser tant de questions que ça. Ok? De toute façon honnêtement à moins d’un pépin, y a peu de chances que ça marche. L’épée, si c’est pas moi, elle est plantée dans le rocher, voilà c’est tout.
Duc: Bah alors voilà, justement. Ce que vous nous proposez, ce que j’ai envie d’appeler une mise en scène de l’échec, parce que comme vous le dites y a peu de chance que ça marche. Ce qu’il faut pas oublier c’est que nous derrière on va gérer cet échec. Et je ne parle pas de l’échec notion, je parle bel et bien de l’échec épreuve.
Bohort: Ou de l’échec-échec. Pour paraphraser audacieusement notre ami.
Duc (lève les mains): Woooo…. Wo oh oh oh! Mais oui, il a raison. (secoue la tête en se mordant la lèvre)
***
Yvain: Bon ça vient ou pas?
Gauvain: Je ne comprends pas, pas moyen de faire bouger cette maudite épée!
Yvain: C’est pas normal hein. Vous êtes sûr que vous êtes d’extraction bourgeoise?
Gauvain (se retourne): Évidemment. Mon père est roi d’Orcanie je suis le neveu d’Arthur.
Yvain: Non non mais c’est bon, c’est bon. N’empêche que ça vient pas, c’est tout.
Gauvain: Elle doit être coincée.
Yvain: Si ça se trouve vous êtes un enfant trouvé. Ca voudrait dire que c’est le roi d’Orcanie qui vous a élevé mais que en fait vous êtes un fils de pécore.
Gauvain: Vous croyez?
Yvain: Bah je vois que ça.
Gauvain: Non mais ils me l’auraient dit quand même.
Yvain: Ou alors ça se trouve c’est votre mère qui vous a trouvé, et elle l’a jamais dit à votre père.
Gauvain: Oh mon dieux non c’est affreux!
Yvain: Ouais. Bon allez gros bâtard, à moi! Parce que moi au moins je suis fils du roi de Carmélide! Donc heureusement que je suis là pour sauver le coup, je vous ferais dire. (Il tente de retirer l’épée du rocher, sans grand succès. Gauvain croise les bras et le dévisage méchamment.)
***
Duc: Je sais pas, je sais pas! Heu moi j’ai envie que vous reformuliez la question en fait? Non? (se tourne vers Bohort)
Bohort: Ah non moi je suis plutôt pour.
Arthur: En même temps je vois mal comment je pourrais le reformuler plus clairement. Vous y allez, vous y allez pas?
Bohort: Sire, vous restez tout de même sur un mode qui interdit les nuances là.
Duc: Oui, non mais, d’accord, d’accord. Clairement vous voulez rationaliser le débat. (s’adresse à Bohort) Moi personnellement je pense pas qu’on puisse réduire la question à sa forme concrète mais ok! Je vais répondre très simplement. J’ai passé un très bon séjour chez vous, je vous suis très reconnaissant d’avoir su m’aiguiller au niveau de mon couple…
Arthur: Au niveau de votre couple?
Duc: Bah oui ce dont on parlait l’autre soir quand on était couchés avec le monsieur.
Bohort: Oui...
Père Blaise (endormi sur la table de la salle à manger, se réveille brutalement): Quoi?!
Arthur: Non c’est rien. C’est rien c’est rien c’est rien… (Père Blaise se rendort)
Bohort: Vous avez couché avec un monsieur?
Duc: En fait c’est un… Une personne défavorisée que j’ai recueilli, et dont le regard bienveillant et discret m’a vraiment aidé à dénouer un conflit personnel. C’est ça, Sire. Je sais que je suis venu officiellement pour tenter de retirer l’épée, mais j’ai trouvé ici quelque chose de beaucoup plus précieux, j’ai trouvé la sérénité affective.
Bohort: Nous sommes tous très fiers de vous.
Arthur lève son pouce en signe de félicitations et roule des yeux. Le duc et Bohort sourient et continuent de manger.
***
Gauvain: Bah je suis désolé mais vous n'êtes pas d’extraction bourgeoise non plus. (petit sourire)
Yvain: Allez, oh, c’est pas vrai!
Gauvain: Ou alors il y a un truc qui cloche dans le mécanisme.
Yvain: Ah mais carrément y a trop un truc qui cloche sa mère là!
Gauvain: Vous croyez que vous êtes un enfant trouvé vous aussi? (hilare)
Yvain (abandonne): J’en sais rien, je suis écoeuré!
Gauvain: Ce serait quand même pas de chance, avouez!
Yvain: Ouais ça voudrait dire qu’on est deux gros fils de clodo, quoi. Ah non, merci, super la journée, hyper sympa.
Gauvain: Ouais, on aurait pas dû venir.
Yvain: Trop pas, quoi.
Ils partent, Gauvain jette un dernier coup d’oeil au rocher avant de suivre Yvain. Les autres candidats au rocher les observent tandis qu’ils s’éloignent.
***
Le Duc et Arthur boivent, la liqueur commence à les rendre lents.
Duc: C’est simple, elle elle voulait rester deux jours de plus et moi je veux partir demain. Voilà c’est nigaud comme situation.
Arthur: Et alors du coup?
Duc: Alors j’ai déjà essayé d’imaginer ce que vous auriez dit à ma place pour désamorcer, toujours dans le désamorçage…
Arthur: Ouais c’est difficile comme ça… Déjà faut être sur place pour sentir un peu le…
Duc: Je vous dis ce que j’ai dit?
Arthur: Tout à fait, oui.
Duc: Je lui ai dit, demain c’est demain, si j’ai besoin de votre avis je vous le demande.
Arthur: Pas mal. C’est rythmique en plus c’est bien. Après je pense que vous devriez essayer de détourner un peu le propos. Si vous voulez être cinglant, soyez courtois. C’est un petit peu comme ça que l’ironie arrive, voyez.
Duc: Ouais. Par exemple?
Arthur: Par exemple, heu, vous lui dites ok d’accord, vous partez quand vous voulez. Et dans un second temps quand elle se demande ce qui se passe, heu, vous enchaînez, seulement comme c’est moi qui prend le bateau vous rentrez à la nage. (fier de sa blague)
Duc (impressionné): Oh! Ah ouais…
Arthur: Voyez c’est pour montrer le mécanique un petit peu c’est…
Duc: Ah ouais! D’accord.
Arthur: Et pis après si vous voulez peaufiner, après chais pas heu, vous pouvez rajouter comme ça ça vous fera un peu perdre le gras que vous avez sur le cu. (un ange passe) Dans l'occurrence ça marche pas ça parce que votre femme est toute fine mais heu…
Duc: Non mais on peut adapter.
Arthur: Tout à fait bien sûr.
Duc: On peut dire heu, bon je dis…
Arthur: Allez-y.
Duc: Avec votre dégaine…
Arthur: Oui oui oui oui… (sourit, l’encourage)
Duc: Avec votre dégaine de crevette faites gaffe à pas vous faire bouffer par un mérou.
Arthur: Exactement. Exactement ça ça marche.
Rédigé par Ellielove pour Kaamelott Hypnoweb