Nessa entre dans la chambre de Karadoc et Mevanwi. Elle est accompagnée d’une autre servante, et les deux femmes ont les bras chargés d'une importante quantité de nourriture.
Mevanwi: C’est pas vrai, dites-moi que je rêve.
Nessa: Faut que je dise à monsieur que si monsieur continue à ce rendement là, on va être obligé d’engager du personnel supplémentaire.
Mevanwi: Bah quoi c’est bon vous vous en sortez là! (la montre du doigt)
Karadoc: Non mais elle a raison. Y a pas tout, il faut qu’elle redescende… Non, on va prendre quelqu’un.
Nessa: Aux cuisines, ils demandent ce que monsieur préfère pour la cuisson des côtes de veau. (Mevanwi ferme les yeux, écoeurée)
Karadoc (hautain): Vous leur direz aux cuisines qu’il n’y a pas cinquante manières de cuire les côtes de veau et que si ils savent pas, on les remplacera par des cuisiniers compétents.
Mevanwi: Des côtes de veau?! (regarde son mari avec des yeux horrifiés)
Karadoc: Hé, je vous rappelle que j’aurais très bien pu aller dormir avec une de mes nombreuses maîtresses. Alors un peu de reconnaissance, au lieu de faire la gueule.
Mevanwi (agite les mains): Vous avez pas un royaume à diriger vous? (affligée)
Karadoc (air solennel): Ah si. Jamais le ventre vide. Parce que moi ça me fait faire des conneries.
Mevanwi: Parce que le ventre plein vous êtes un souverain d’élite?
Karadoc: Je m’en sors aussi bien que les autres. (piqué au vif)
Nessa: En tout cas pour moi monsieur vaut largement les autres monsieurs d’avant.
Karadoc: Ah! (la pointe du doigt, un immense sourire aux lèvres)
Mevanwi: Non mais de quoi je me mêle?
Nessa: En plus monsieur est très charmant. (Karadoc s’allonge, les bras croisés sous la tête et un sourire satisfait aux lèvres.)
Mevanwi: Non mais oh!
Nessa: Et puis il est toujours de bonne humeur ce qui est tout de même un plus pour nos métiers où on a souvent affaire aux petits passages à vide de l’intimité.
Mevanwi: Vous avez pas de la bouffe à aller chercher en cuisine?
Karadoc: Oh! Vous pouvez pas parler correctement aux gens?
Mevanwi: Vous pouvez pas me donner des responsabilités au sein de ce gouvernement? (la jeune femme ferme les yeux, elle est en pleine crise de nerfs)
Karadoc: Si, en voilà une, parler correctement aux gens.
Nessa: Moi je vous le dis, je suis un peu en train de tomber amoureuse de monsieur.
Mevanwi: Quoi?!
Karadoc: Non mais c’est normal. Le prestige, la force de l'âge… Vous inquiétez pas. (une servante entre dans la chambre, elle porte des animaux morts)
Mevanwi: Oh là là... (elle ferme les yeux et appuie sa main contre sa tête)
***
Méléagant et le chef des saltimbanques sont assis sur un banc, à côté de la forêt. L’envoyé des dieux fixe Arthur, une pomme à la main.
Méléagant: Vous voulez pas vous détendre un petit peu?
Arthur (assis sur un rondin de bois): Je suis parfaitement détendu. Je voudrais juste savoir quand vous comptez repartir.
Méléagant: Bah si vous êtes pressé vous pouvez rentrer tout seul. Je vous rends votre argent…
Arthur: Si je pouvais rentrer tout seul je me serais pas encombré d’un guide. Et en plus je reconnais pas la route, on passe par des coins que j’ai jamais vu… Là je sais même pas où on est, je comprends pas ce qu’on fabrique ici… (regarde autour de lui)
Méléagant: On fait une pause. On passe un petit moment avec des amis.
Arthur: Des amis de qui? Je connais personne! (écarte les bras)
Saltimbanque: Les saltimbanques sont un peu les amis de tout le monde. (hausse les épaules)
Méléagant: Et ça vous ferait pas, plaisir d’assister à un joli spectacle?
Arthur: Non! Honnêtement non, je, non, je crois que j’ai pas la tête à ça. (perd son calme)
Méléagant: Ouais mais moi je veux le voir! Je lui ai promis! (désigne le saltimbanque)
Arthur: Mais j’en ai rien à foutre, je veux rentrer chez moi!
Saltimbanque: Ne criez pas dans mon théâtre. Vous faites peur aux enfants.
Arthur (se lève): Mais je le rase, moi votre théâtre. Je vous prends tous un par un et je vous pète la nuque. (le silence s’est fait autour de lui) Vous savez qui je suis moi?! Vous voulez le voir en colère le chef de guerre?! Vous croyez que vous pouvez le contenir?!!! (air fou)
Prisca (sort de sa tente): Arturus? C’est toi qui crie comme ça? Qu’est ce qui te prend?
Arthur la dévisage avec surprise et suspicion. Il jette un coup d’oeil aux deux hommes qui lui font face, avant de reporter son attention sur son amie. Les traits de son visage se détendent et tout son corps s’affaisse. Il semble à présent désemparé.
***
Durant le déjeuner. Mevanwi tape sur la table et souffle lourdement, les yeux rivés sur les deux compères.
Karadoc: Oh mais vous allez souffler jusqu’à quand là?
Perceval: Mais qu’elle est lourde, mais qu’est lourde… (les yeux fermés)
Mevanwi: Ils sont interminables ces repas. On perd un temps considérable alors qu’on pourrait tra-vai-ller!
Karadoc: De toute façon c’est pas vous qui travaillez.
Perceval: Oh! Vous voulez un taquet ou pas?
Karadoc: C’est justement parce qu’on a du travail qu’il faut pas négliger l’heure de table.
Mevanwi: Après tout ça je vois pas très bien ce que vous pourriez faire à part roupiller! Déjà que vous avez pas, beaucoup d’énergie, là tout va partir, dans la digestion! (mime ses paroles)
Perceval: Vous inquiétez pas. Il m’en restera bien assez pour vous mettre une grosse tarte dans votre piffe!
Karadoc: C’est quoi que vous voulez? L’autorisation de sortir de table? (tente d'apaiser sa femme)
Mevanwi: Une autorisation? Parce que maintenant il me faut une autorisation?! (de plus en plus en colère)
Perceval: Normalement quand on a pas été élevé chez les cochons on se lève pas de table avant la fin du repas!
Mevanwi (se penche vers Perceval): J’ai besoin de l’autorisation de personne moi! (hausse le ton)
Perceval: Bah profitez-en! Barrez-vous! Ca nous fera de l’air.
Karadoc: Vous êtes vraiment en train de prendre une mentalité de chiotte. (semble choqué)
Mevanwi: On ne passe pas sept heures par jour à table quand on est roi de Bretagne!
Perceval: Ca recommence… Allez. Donnez-moi l’ordre, je vais lui casser les os de la nuque. (Mevanwi le dévisage avec rage) Ca fera ce bruit là. (il tord et casse la carcasse de viande qui est dans son assiette)
Karadoc: Si vous êtes pas capable de vous tenir correctement, à partir de maintenant, vous prendrez vos repas dans les couloirs!
Mevanwi: Vous voulez vraiment pas abréger? Vous finirez le reste ce soir!
Perceval: Mais on s’en fout de vos programmes!
Karadoc: J’ai demandé aux cuisines un petit dessert spécial, la moindre des choses, c’est de rester pour y goûter.
Perceval: Ca s’appelle, la politesse! Madame gros cu. (Mevanwi est furieuse et tente de garder son calme. Les servants entrent et déposent une tête de taureau sur la table. Les deux compères poussent des hurlements de joie.)
Mevanwi: Non là non… Non ça, ça va pas être possible. (elle quitte la salle, ses cheveux tourbillonnent derrière elle)
Karadoc: Bon. (Il fixe le dessert avec envie, tandis que Perceval attrape sa serviette de table.)
***
Les comédiens jouent leur spectacle. Arthur et Méléagant font partie du public. Prisca et le saltimbanque sont quant à eux sur scène. Tout le monde applaudit la pièce à venir.
Saltimbanque: Il était une fois! Un jeune berger. Qui gardait tous les moutons de son village!
Prisca: Alors il nous faut un berger. Qui veut venir faire le berger? Mais non pas vous. Un jeune berger on a dit!
Saltimbanque: Celui-là là.
Prisca: Oh non il est trop moche. (rires)
Saltimbanque: J’ai pas dit un beau berger…
Prisca: Non mais moi j’ai dit un beau berger. Ah. Voilà un joli jeune homme. Montez, montez! (le garçon assis à la droite d’Arthur monte sur scène) Ah. Voilà… (le garçon se place en fond de scène) Continuez cher ami.
Saltimbanque: Et nos moutons? Où ils sont nos moutons?
Prisca: Alors on va en choisir qui ont des bonnes têtes de mouton!
Saltimbanque: Bah celui-là là il est bien frisé.
Prisca: Voilà! Vous, montez, et la fille à côté, aussi, vous, vous, vous, vous, vous, voilà. (tout un tas de spectateurs montent sur scène, dont Méléagant) Allez montez dépêchez-vous!
Saltimbanque: Mais un jour où il trouvait le temps particulièrement long, il trompa son ennui en montant sur la colline, et en criant vers le village, au secours! Au secours! (Prisca regarde l’homme avec crainte) Un loup dévore le troupeau!
Prisca (au berger): Bah allez-y! Mais allez, allez! Vous vous souvenez plus de votre texte? Au secours! Au secours! Le loup dévore le troupeau.
Jeune berger: Au secours, au secours…
Prisca: Non. Le village c’est par là! (elle tourne le garçon vers le sens opposé au public, qui rit)
Jeune berger: Au secours au secours un loup dévore le troupeau.
Prisca: Voilà!
Saltimbanque: Maintenant il nous faut des villageois! (les derniers villageois lèvent la main)
Prisca: Oh non! Ca suffit! Après y aura plus de public. (protestations du public qui baisse la main)
Saltimbanque: Mais un seul qui représentera tous les villageois!
Prisca: Un gros alors!
Saltimbanque: Si vous voulez. (amusé)
Prisca: Vous! (derrière Arthur, un homme se lève) Oh non finalement pas vous vous êtes trop gros. Non on va prendre vous monsieur. (désigne un homme déjà présent sur scène) Approchez. Lâchez le bouton. Venez, voilà. Mettez-vous à votre place et débrouillez-vous pour qu’on pense que vous êtes plusieurs. (l'homme se tient au devant de la scène)
Saltimbanque: Mais les villageois ne trouvèrent que le garçon qui riait de bon coeur! Et pas l’ombre d’un loup! (Prisca regarde celui qui est censé représenter les villageois.)
Prisca: Il rit pas de bon coeur.
Saltimbanque: Oh bah, on a plus le temps maintenant.
Prisca: Oui bah, coupez un peu la suite alors.
Saltimbanque: Bon. Vous avez raison. La suite c’est pareil, le garçon s’ennuie, il monte sur, sur la colline, pour crier au loup, les villageois arrivent, et y a pas de loup. (le public rit)
Prisca: Et après?
Saltimbanque: Un soir d’hiver, un loup terrifiant sortit du bois!
Prisca: Et là, je parie qu’il nous faut un loup.
Saltimbanque: On peut pas y couper. Quelqu’un de terrifiant. On pourrait prendre le seigneur, qui voulait raser le théâtre tout à l’heure! (Le public hue Arthur. Le garçon à sa gauche fait de même et s’approche de son visage. Lorsque le roi tourne la tête, le garçon recule prudemment, mais arbore un air toujours défiant.)
Prisca: Allez! Allez venez vous nous devez bien ça. (Arthur monte sur scène, sous le regard à présent souriant du public. Il enfile une fausse tête de loup qui lui cache le visage.)
Saltimbanque: Le jeune garçon était terrorisé.
Prisca: Ca marche pas, il est pas terrorisé.
Saltimbanque: Faudrait que le loup grogne, un peu.
Prisca: Allez grognez. (Arthur grogne faiblement.)
Saltimbanque: Mais c’est pas de la peur ça! (s’approche du roi)
Prisca: Allez! Grognez plus fort! (gênée)
Le roi recommence. Caché derrière le jeune garçon, Méléagant pousse un grondement effroyable, faisant tomber de scène un berger pétrifié par la peur. Arthur se retourne et bien que cachés par le costume, ses yeux croisent ceux de Méléagant.
Rédigé par ellielove pour Kaamelott Hypnoweb