INT. – CHAMBRE D’ARTHUR, JOUR.
Arthur bâille et s’étire.
Guenièvre (morose) : Hé ben… Va encore faire un temps de chien aujourd’hui. Des jours comme ça, on aurait presque envie de dire qu’on est en hiver.
Arthur : Quoi ?
Guenièvre : Ben franchement, regardez le givre sur les arbres ! On dirait pas l’hiver ?
Arthur fronce les sourcils.
Arthur : C’est l’hiver.
Guenièvre : Oh ben quand même, y faut pas exagérer…
Arthur : Qu’est-ce que j’exagère ? Qu’est-ce que vous me chantez ce matin, vous ?
Guenièvre : Vous, vous diriez que c’est déjà l’hiver ?
Arthur : Non mais j’ai rien à dire : c’est l’hiver, c’est tout.
Guenièvre : Mais vous le voyez à quoi ?
Arthur (énervé) : J’ai pas besoin de le voir : on a passé le solstice d’hiver, on est en hiver. Point !
Guenièvre : Quoi ?!
Arthur : Le solstice.
Guenièvre : C’est pas en été, ça ?
Arthur : En été c’est le solstice d’été, du coup.
Guenièvre : Oui enfin, bon… Tout ce que je voulais dire c’est que vu le temps qui fait, ça fait hiver, voilà.
***
INT. – COULOIR DU CHÂTEAU, AU MÊME MOMENT.
Le seigneur Calogrenant traverse le couloir à grand pas et frappe sur la porte de la chambre du roi, missive à la main.
Calogrenant : Sire !
***
OUVERTURE
***
INT. - CHAMBRE D’ARTHUR, PLUS TARD.
Toujours au lit, Arthur tente de lire la missive.
Guenièvre : Il est vraiment obligé de venir faire son rapport dans nos appartements privés ?!
Calogrenant : Je suis désolé sire, mais là, un message des sentinelles…
Arthur : Mais oui, mais évidemment. Non mais commencez pas à l’écouter. (Guenièvre lève les yeux) En revanche, je suis pas persuadé de tout comprendre, là.
Calogrenant : Ben y’a une carriole qui arrive par la route nord, sire.
Arthur : Oui, c’est ce qui est marqué, et alors ?
Calogrenant : Mais sire, par la route nord ! C’est tout à fait possible qu’elle arrive d’Orcanie.
Arthur : …qu’est-ce que vous voulez que ça m’foute ?
Guenièvre : Et à moi donc !
Calogrenant : Vous avez demandé à être prévenu dès qu’on repère un mouvement chez les Orcaniens ?
Arthur : Oui, mais un mouvement de troupes. Ce qui m’intéresse moi, c’est les mouvements de troupes. Deux péquenauds d’Orcanie qui viennent vendre des formages au marché, ça m’intéresse déjà beaucoup moins.
Calogrenant : Mais oui, mais moi j’ai pas plus de détails.
Nessa (arrivant) : Petit-déjeuner !
La servante dépose un plateau de nourriture directement sur Arthur.
Guenièvre : Vous pourriez pas faire un effort pour dire bonjour, non ?
Nessa : Bonjour, petit-déjeuner !
Arthur : Oui, ça va. Non, foutez le camp… (Nessa s’exécute) Argh ! Ah, elle m’énerve, elle.
***
EXT. – ROUTE NORD, JOUR.
Une carriole avance à travers la forêt enneigée. À l’intérieur, le roi Loth semble terriblement s’ennuyer. Face à lui, son fils Gauvain et le seigneur Dagonet sont couverts de fourrure pour se protéger du froid.
Dagonet : À quoi ça ressemble de traverser la Bretagne d’un bout à l’autre en plein hiver, hein ? Tout ça parce que « vite, vite, vite, faut aller à Kaamelott » ! Y’a des fois, je m’excuse, mais je vous comprends pas.
Gauvain : Moi je vous comprends jamais, père.
Dagonet : Et puis, ça vous est venu à l’idée qu’il peut très bien nous recevoir à coup de flèches le roi Arthur, après ce qu’on lui a fait ?
Gauvain : On va tous être pendus, comme tous les traîtres…
Dagonet : Si c’est le suicide collectif qui vous intéresse, vous pouvez très bien faire ça chez nous, pas besoin de traverser le pays ! À quoi ça sert de se pointer là-bas ? Quel intérêt ?!
Loth : La surprise, seigneur Dagonet. Une discipline pour laquelle vous n’avez aucun talent.
Dagonet : C'est-à-dire ?
Loth : Vous êtes toujours désespérément là où on vous attend. Par exemple, tout le royaume pense que vous êtes un con.
Dagonet : Oui…
Loth : Et quand vous ouvrez la bouche, vous ne faîtes que confirmer que vous en êtes un. Vous n’avez pas le sens du coup de théâtre. Dagonet, nous sommes des traîtres. Tout porte à croire que nous allons rester terrés dans nos confins en espérant que personne vienne nous demander des comptes. Eh ben crac, surprise, on arrive ! Avec des excuses plein nos musettes ! Et un joli cadeau prestigieux. Nous venons, spontanément, exprimer notre volonté de renouer le dialogue ! J’ai envie d’appeler ça : de la déstabilisation.
Dagonet échange un regard avec Gauvain.
Gauvain : Non, moi non plus j’ai rien compris.
Dagonet : Vous êtes sûr de votre coup, là ?
Loth : Quand on veut être sûr de son coup, Dagonet… on plante des navets. On ne pratique pas le putsch.
À l’extérieur de la carriole, le seigneur Galessin doit arrêter les montures lorsqu’une troupe de bandits en chemises de nuit fait irruption. Le marchand Venec est à leur tête.
Venec : Halte ! Terminus !
Dans la carriole, Gauvain panique.
Gauvain (chuchotant) : Ah non ! Une embûche !
Dagonet (chuchotant) : Qu’est-ce qu’on fait ?!
Loth (calmement) : Vous ne comptiez pas spécialement nous défendre, de toute façon ?
Dagonet : Pas spécialement.
Loth : Bon, ben voilà. Fiat minimis et patria.
Dagonet : Ce qui veut dire ?
Loth : Absolument rien.
***
INT. – CHAMBRE D’ARTHUR, JOUR.
Le couple est en train de manger.
Arthur : Non, je vous dis, ça n’est certainement pas le roi Loth.
Guenièvre : Et pourquoi pas?!
Arthur : Parce qu’il m’a trahi ! Enfin qu’est-ce que vous voulez qu’il vienne glander là, il est pas fou ! En plus, entreprendre un voyage pareil en plein hiver c’est complètement con, y’a trois mètres de neige partout.
Guenièvre (s’illuminant) : Ah voilà… Vous vous repérez à la neige !
Arthur : Ah non, mais vous n’allez pas remettre ça, non ? On est en hiver, c’est tout !
Guenièvre (contente) : Oui ! Depuis les premières neiges, c’est ça ?
Arthur : Non, depuis le solsti-ce ! Ça fait trois fois que je vous le dis ! En plus de ça, vous vous souvenez pas qu’on a fêté les Saturnales ?
Guenièvre : Si, mais quel rapport avec l’hiver ?
Arthur : Les Saturnales, ça se passe au même moment que le solstice. Parce qu’en plus de Saturne, ça célèbre aussi le début de… ?
Guenièvre : L’hiver.
Arthur (en même temps) : L’hiver. Voilà.
Guenièvre : J’avais jamais fait le rapprochement, moi…
Arthur : Quoi ? Entre les Saturnales et l’hiver ?
Guenièvre : Mais même entre les Saturnales et Saturne, j’avais pas fait le rapprochement.
Elle secoue la tête. Arthur est découragé.
***
EXT. – ROUTE NORD, PLUS TARD.
Les seigneurs Galessin, Dagonet, Gauvain ainsi que le roi Loth font face aux bandits.
Galessin : Venec, sans blague, vous croyez que c’est sérieux ?
Venec : C’est du travail ! (Il pointe son arme vers le groupe) Et le travail, c’est sérieux.
Loth : C’est un style que vous vous donnez d’être à moitié cul nu ?
Venec : Bah, c’t’a dire que notre informateur nous avait annoncé votre passage pour le milieu de la journée, alors… bon, on a été un peu pris de cours.
Loth : Remarquez ça change. Et puis ça désacralise le guet-à-pens.
Venec (agacé) : Faites donc péter le butin, au lieu de faire des phrases !
Dagonet : Le butin ?
Galessin : Quand vous dites le butin, vous voulez dire les pièces de monnaies, les bijoux ?
Dagonet : Peut-être les armes et les bottes aussi ?
Venec (ironique) : Ouais, voilà ! Et puis de la ficelle ou des croûtes de pains… Vous nous prenez pour des clodos ?!
Le seigneur Galessin regarde leurs accoutrements avec éloquence.
Gauvain : Qu’est-ce que vous voulez, alors ?
Venec : Vous savez, nous on se contente de peu.
Loth : Le cadeau. Ils veulent le cadeau.
Venec : Tout juste. (Il regarde un de ses comparses) On a un bon informateur.
L’autre hausse les épaules.
Venec : Ouais, à part pour les horaires, il a bon caisse… Bon allez, envoyez le cadeau et puis tirez-vous.
***
INT. – CHAMBRE D’ARTHUR, JOUR.
Arthur : Non, pour la dernière fois, non, le roi Loth n’est pas assez con pour se pointer ici ! Voilà.
Guenièvre : Et s’il a envie de se réconcilier ? Il faut bien qu’il vienne, non ? Vous feriez comment à sa place ?
Arthur : Ben à sa place je resterais planqué, pardon ! … Je commencerais, peut-être, par envoyer quelque chose. Un cadeau, probablement. Attention, quand je dis cadeau ; cadeau diplomatique, vous voyez. Le truc qui vaut la moitié de mon royaume. Après, dans un second temps, suivant l’effet que le cadeau a eu… (Il hausse les épaules) Éventuellement, je demande audience.
On frappe à la porte.
Arthur : Quoi ?
Le seigneur Calogrenant entre dans la chambre, en portant un panier.
Calogrenant : Sire, le roi Loth vient d’arriver, avec les seigneurs Galessin, Dagonet et Gauvain.
Arthur est ahuri et Guenièvre triomphante.
Arthur : Quoi ?!
Calogrenant : Alors j’ai pas tout compris, mais ils ont eu un problème avec leur cadeau, alors pour pas arriver les mains vides ils ont ramassé des champignons.
Calogrenant en prend un et le montre au roi.
Calogrenant : Ils disent que c’est des ameunier de jonquilles, qu’ils sont désolés mais qu’il y a que ça dans cette saison, et qu’il faut bien les faire bouillir sinon ça donne la diarrhée.
Le couple est interloqué.
***
GÉNÉRIQUE
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EXT. - ROUTE NORD, JOUR.
Venec ouvre une boîte avant d’en sortir ce qui semble être une couronne.
Venec : Les petits pères, les affaires reprennent ! Parce que la couronne là, j’aime autant vous dire qu’elle date pas d’hier. Alors là, y’a de la relique ou je m’appelle pas Venec !
Il enlève son chapeau et met la couronne. Il se tourne vers ses complices.
Venec : Qu’est-ce ‘vous en dites ? Oh allez, imaginez que j’ai mon froc. Ça me donne du style ou pas ?
Les hommes restent silencieux.
Venec : Oh mais quoi ?! C’est ma faute à moi si vous avez pas fini votre nuit ? Ça va ! Oh ben la carriole elle est arrivée plus tôt que prévu, mais vous, à deux du mat’ vous étiez encore en train de bouffer du lapin, alors, c’est bon !
Venec (voix off) : Oh, allez-vous recouchez un petit quart d’heure. Ma patience a des limites, mais y faut pas exagérer.
Rédigé par Merlinelo pour Kaamelott Hypnoséries