Dans les couloirs du château. Bohort est assis en bas des marches d’escalier et est rejoint par Arthur.
Arthur: Bohort?! Bah? (s’assoit à ses côtés) Ah. (soupire d’aise) Qu’est ce que vous foutez assis par terre?
Bohort (hausse les épaules): Rien, sire.
Arthur (rit, se penche vers lui): Arrêtez de m’appeler sire. Qu’est ce qui se passe? Vous me tirez une tronche de cent pieds de long, là. Me dites pas que tout va bien je vous connais.
Bohort: Tout ceci n’a aucun sens! Votre beau-père à la tête du pays… Je suis désolé mais ça ne passe pas.
Arthur: Laissez-lui le temps de se chauffer un petit peu! Si ça se trouve il fera des trucs très bien.
Bohort: Qu’il s’amuse à jouer les rois de Bretagne, encore. Mais qu’il ose présider une réunion de la Table Ronde là c’est proprement scandaleux!
Arthur: Non mais voilà. C’est pour ça que vous faites la tronche, parce que la réunion à la Table Ronde c’est maintenant! (indique une porte du doigt)
Bohort: Une mascarade sire! Une, une pantalonnade éhontée!
Arthur: Mais, je comprends pas. Si vous ne le sentez pas vous n’avez qu’à pas y aller! Ca a jamais été obligatoire les réunions de la Table Ronde.
Bohort: Figurez-vous que votre beau-père a déjà remédié à ce problème. A partir de maintenant les réunions sont obligatoires pour tous les chevaliers convoqués!
Arthur (silencieux, fronce les sourcils): Ah bon?
Bohort: Parfaitement!
Arthur: Ah là obligatoire, oui ça va un peu à l’encontre de l’esprit du machin, oui.
Bohort: Et la Table Ronde présidée par un roi qui n’a pas retirée Excalibur, un roi qui n’est pas reconnu par les dieux, vous ne trouvez pas que ça va à l’encontre de l’esprit du machin?! (dodeline de la tête)
Arthur (Pose ses mains sur les bras de Bohort, pour l’apaiser. Les deux hommes se balancent en silence): Non mais d’accord mais vous, vous prenez ça trop à coeur. Vous y allez, vous écoutez vaguement ce qui se dit et puis c’est marre! De toute façon il va pas vous demander de trouver le Graal demain matin!
Bohort (le fixe, l’air triste): Sire, c’est à vous que j’ai juré fidélité. (Arthur se renfrogne) Pas à votre forcené de beau-père dont le seul programme politique se résume à pulvériser les pays voisins! Il est absolument hors de question que je participe à cette triste farce!
Arthur: C’est justement pour l’empêcher de faire n’importe quoi que vous devriez profiter de votre place à la Table Ronde pour défendre vos opinions! Après tout s’il vous demande d’y participer, c’est bien pour entendre vos idées! Bon.
Bohort (n’y croit pas une seconde): Faire entendre ses idées? A votre beau-père? (secoue la tête d’un air atterré)
Arthur: Bah heu oui, c’est déjà moins dur que de trouver le Graal. (Bohort a des yeux exorbités et son expression se fait désespérée) C’est pas plus dur, en tout cas. (Les deux hommes font grise mine)
***
Table Ronde. Léodagan préside la réunion, Séli se tient à ses côtés. Père Blaise est debout à son pupitre. Elias, le Maître d’Armes, Hervé, Calogrenant, Lionel et Bohort sont assis autour de la Table.
Léodagan: Bon! Tout le monde est là?
Père Blaise: Hé bah, oui.
Séli: Vous voyez bien que tous les sièges sont pris, non?
Léodagan: Très bien! Ca déjà c’est une bonne chose.
Maître d’Armes: Alors, est ce que c’est le moment où on pose des questions ou, pas du tout?
Père Blaise: Ah non non! Là normalement vous devez abs…
Léodagan: Si. (Père Blaise est livide) Si. Mais si. Si il y a une question on prend le temps d’y répondre, évidemment.
Maître d’Armes: Non c’est à propos de… (agite la main vers Séli)
Séli: De quoi? Du fait qu’il y ait une femme à la Table Ronde? C’est nouveau! Quand on change de roi, on change de loi! Et si ça va trop vite pour vous allez vous reposer.
Maître d’Armes: Très bien. (lève les mains en signe de reddition)
Léodagan: Voilà, alors là tout le monde aura saisi que j’ai dû me résoudre à quelques compromis…
Calogrenant: Et le fait qu’on ait quatre participants qui sont pas chevaliers?
Lionel: Heu, oui. Y a moi. Enfin si vous voulez que je sorte… (se lève, Calogrenant a un regard qui en dit long)
Bohort: Restez assis et arrêtez de faire votre gonzesse. Méritez votre place! (Lionel se rassoit)
Maître d’Armes: Donc moi je ne suis pas chevalier mais je ne suis pas rentré ici parce que je me sentais seul. On m’a dit de venir, je suis venu!
Elias: Moi c’est pareil. Chuis pas chevalier. Du coup j’ai du boulot qui m’attend. (Pose les mains sur la Table) Votre Table Ronde, pour tout vous dire, ça me passionne pas plus que ça.
Séli: Et le quatrième c’est qui, c’est moi? (se désigne)
Calogrenant: Non mais vous bon, il y a l’air d’avoir un genre de dérogation.
Séli: C’est ça oui. Un genre de dérogation.
Léodagan: Bah la dérogation elle est simple. On arrête de se compliquer la vie avec toutes ces histoires de chevalerie. Il n’est plus besoin d’être chevalier pour être admis aux réunions de la Table Ronde.
Père Blaise (stupéfait): Ah mais carrément! Non mais attendez là du coup il va falloir changer la loi!
Séli: Et bah oui! A quoi on vous casque au juste rappelez-nous? A emmerder le monde!
Léodagan: Et le jurisconsulte, on le casque pas lui aussi?
Père Blaise: Ah mais sisi. Sisi.
Léodagan: Bon.
Père Blaise: D’ailleurs, vu qu’on vient de résoudre l’histoire du roi, heu, je pensais qu’on pourrait lui demander de rentrer chez lui.
Léodagan: Moi je serais vous je le garderais encore un petit peu, parce qu’en terme de lois, il risque d’y avoir pas mal de chambardement dans les prochaines semaines.
Silence. Personne ne parle.
Hervé: Hé mais attendez, c’est pas vous qu’êtes assis là normalement. Si? (Léodagan semble furieux, il se tourne vers sa femme qui le dévisage)
Calogrenant: Et vous comptez en changer beaucoup des lois?
Léodagan: Oui, mais je veux pas vous casser les pieds avec ça. (faux sourire)
Bohort: Mais beaucoup heu… Beaucoup?
Lionel: Vous… Savez déjà lesquelles?
Léodagan: Oh bah j’ai drôlement eu le temps d’y penser. A chaque fois que j’avais une conversation avec mon, regretté prédécesseur, je me notais toujours une petite loi personnelle dans un coin de la tête.
Maître d’Armes: Et, on, on peut en connaître les grandes lignes ou, vous estimez que ça nous concerne pas forcément?
Elias (se penche en avant): Ce serait pas mal d’essayer de déterminer ce qui nous concerne au bout d’un moment parce que je vous avouerais franchement, que moi je sais toujours pas ce que je fous là.
Séli: Ce qu’il y a de beau c’est que ça vous empêche pas de l’ouvrir.
Elias: Non. (les deux ont un air qui en dit long)
Léodagan: Ecoutez je vais pas vous embêter avec des évidences hein. Oui, on va renforcer les défenses, heu oui on va faire descendre au trou ceux qui mériteraient d’y être (le Père Blaise semble furieux et craintif) et oui, oui, bien sûr, on va pendre au bout d’une corde tous les petits oubliés de la procédure, bien sûr. (ton nonchalant)
Bohort: Le roi Loth?(Le chevalier est très mal à l’aise. Son frère, penché en avant, dévisage Léodagan d’un air suspicieux.)
Léodagan: Par exemple oui, mais j’ai pas très envie d’évoquer le détail. Non ce que je voudrais c’est vous parler un peu des symboles.
Calogrenant: De symboles? (ébahi)
Hervé: Heu si c’est ce que je crois ça pousse plus au sud. On a pas assez d’ensoleillement ici, ça fait des petits fruits tous vilains. Franchement ça vaut pas la peine. (Léodagan le regarde d’un air mauvais)
Maître d’armes: Heu j’aurais deux questions, qu’est ce que vous entendez par symboles d’une part, et d’autre part est-ce que vous êtes sûr que ça me concerne, parce que dans le cas contraire, et avec l’accord de tout le monde, heu, je filoche. (commence à partir)
Père Blaise: Ah non non, pour une fois qu’on a une table complète, tout le monde reste. (le maître d’armes se rassoit)
Léodagan: Prenons un symbole connu. Le Graal. Tout le monde sait bien que c’est beaucoup plus qu’un vase, hein. Y a toute une signification autour. Mais regardez ça par exemple. (sort la couronne de Venec d'un sac) C’est une couronne. Alors d’un point de vue purement concret, heu ça veut juste dire que je suis roi. Mais d’un point de vue symbolique c’est beaucoup plus intéressant. (pose la couronne sur son crâne) Par exemple cette couronne nous informe, symboliquement, que tous les mous du slibard qu’avaient l’habitude de se les rouler sous l’ancien régime vont devoir se mettre un coup de fouet s’ils veulent pas que je leur mette moi-même. (le maître d’armes s’endort) Cette couronne symbolise la fin des haricots et la décarrade des tirs-au-flanc. Et surtout! L’avènement de l’ordre et de la discipline. En d’autres termes la rigolade c’est terminé! (air glacial, parcourt la table des yeux)
Séli: Vous avez des questions? Profitez-en c’est peut être votre dernière occasion de les poser. (faux air désolé)
***
Dans la chambre de Léodagan et Séli. Le nouveau régent étudie une carte, tandis que sa femme fixe le vide, les bras croisés. Son visage est fermé.
Léodagan: Non mais je crois que mes ambitions se résument clairement, heu, la férocité avant tout.
Séli: Dites, j’espère que vous allez pas balancer tout le pognon dans la surveillance!
Léodagan: Ah non! J’ai l’impression d’entendre l’autre! C’est mon projet phare, renforcer la surveillance.
Séli: Non mais ce que je veux dire par là, c’est qu’il y a peut-être d’autres problèmes.
Léodagan: Lesquels?
Séli: Mais j’en sais rien moi, à vous de le dire!
Léodagan: Ah ouais! La corruption. Y en a trop qui tapent dans la caisse.
Séli: Ah bah! A commencer par vous non? (a l’air écoeurée)
Léodagan: Bah justement! Quand on voit à quel point c’est facile, heu, on a des cheveux à se faire. Ce qui me ramène à mon projet phare, renforcer la… (attend la réponse de sa femme)
Séli: Oui oh non mais ça va j’ai compris oui.
Léodagan: Surveillance.
Séli soupire bruyamment.
Léodagan: Ah ouais.
Séli lève les yeux au ciel. Léodagan reporte son attention sur une carte du territoire.
Rédigé par Ellielove pour Kaamelott Hypnoweb