A table.
Léodagan: On lui a demandé vingt fois, on lui a demandé trente fois, on s’est bousillé le gosier à lui demander sur TOUS les tons! Pas moyen.
Ygerne: Vous vous êtes servis du coup de l’épée pour le mettre de côté. Vous êtes des porcs!
Mevanwi (à Ygerne): Il n’a pas réussi à retirer l’épée. Ce sont les dieux qui l’ont mis de côté, nous on n’a fait que suivre les volontés divines, et la loi.
Ygerne: Vous, vous êtes une truie. (Mevanwi est furieuse)
Perceval: Ah. Comme quoi y a pas que moi qui le dit!
Karadoc: Je vais vous dire, s’il rentrait maintenant dans la pièce, et qu’il me dise, oui je voudrais bien redevenir roi, je lui dirais ok, je vous laisse la place.
Léodagan: Ah bon. Et vous faites ça avec tout le monde? Si c’était moi qui rentrait dans la pièce vous le feriez aussi?
Karadoc: Nan mais ce que je veux dire c’est que c’est lui qui veut pas. Il se met de côté tout seul!
Ygerne: Une petite baisse de morale temporaire que vous avez eu la dignité de ne pas exploiter. (Perceval et Léodagan se dévisagent) Vous êtes des porcs.
Perceval (A Mevanwi): Pas vous. Vous vous êtes une truie. (Elle le regarde fixement, verte de rage)
***
Chez Anton. Méléagant est attablé en face de son hôte. Arthur se tient en retrait, appuyé contre le mur du fond.
Méléagant: C’est vraiment gentil de nous offrir l’hospitalité.
Anton (lève les deux mains): Ici c’est comme ça! N’importe quel clodo qui rentre chez moi, de nuit comme de jour, il a une assiette devant le nez. Alors? Tu te grouilles, pauvre débile! (son fils fait cuire des oeufs sur le plat au fond de la pièce)
Fils: Je peux pas faire cuire les oeufs plus vite.
Anton: Colle-les toi au cu les oeufs. Excusez mon fils, pffff… Heu, je sais bien que, c’est pas des choses à montrer aux invités! Mais qu’est ce que vous voulez? Hein, mon con!
Fils: Ouais père.
Anton: Hé ben! Qu’est ce qu’il fout le copain, pourquoi il s'assoit pas? Il a des escars aux miches?
Méléagant: Venez vous asseoir avec nous qu’est ce que vous faites?
Arthur: Ouais, j’arrive. (vient s’asseoir à côté de Méléagant)
Anton: Allez! Je vais chercher la boisson. Vous m’en direz des nouvelles. Cet escalier me démolit la tronche depuis 25 ans. (descend à la cave)
Arthur: J’ai l’impression que je suis déjà venu ici. (parcourt la maison des yeux)
Méléagant: Mm. Ca vous empêche d'être poli?
Arthur: Non mais ça fait bizarre c’est tout…
Méléagant: Conduisez-vous au moins correctement quand vous êtes chez des gens qui vous accueillent. (le roi le fixe, silencieux)
Anton (revient avec une bouteille): Ah punaise! Les jeunes de maintenant ils pensent qu’à une chose, retirer l’épée du rocher. Ils veulent tous, devenir roi de Bretagne. T’y es allé toi? Retirer l’épée, ducon?
Fils: J’aurais bien voulu, mais avec toutes les corvées…
Anton: Reste là-bas! Si c’est pour passer pour un trou du cu devant tout le monde, autant t’économiser le voyage.
Méléagant: Mais tout le monde a droit de tenter sa chance hein.
Fils: Parfaitement. J’estime que je suis tout à fait…
Anton: T’estime rien du tout! (son fils a l'air triste) Regardez la tête qu’il fait quand on parle de ça… (penche la tête en avant et rit) Vous savez pourquoi?
Fils: Père!
Anton: Quand il était petit, et quand il avait dix ans, on a eu un petit gamin, avec nous, ici, chez nous… Un petit orphelin, un petit bonhomme, haut comme ça, trois quatre ans. (Arthur écarquille les yeux) Il se trouve que c’est ce petit gamin qu’a retiré l’épée. Arthur il s’appelait! Et ça l’autre taré il a jamais pu l’avaler! (rire hystérique, Arthur semble frappé par la foudre)
***
Ygerne: Il a toujours retiré cette épée sans effort. Tout ceci est grotesque!
Perceval: C’est vrai que la première fois c’était un gamin?
Ygerne: Quatre ans! Pendragon n’était même au courant qu’il existait une épée magique. Il n’était pas non plus au courant que la moitié de son royaume avait déjà tenté sa chance, et il était pas au courant qu’il avait un enfant caché.
Karadoc: Il était au courant de quoi alors?
Léodagan: Non mais pour comprendre le gars il faut se remettre un peu dans le contexte. Il était toujours en rogne. Il gueulait du soir au matin. Alors pour le mettre au courant de quelque chose fallait déjà s’approcher de lui sans prendre un coup de masse.
Mevanwi: Vous l’avez connu vous?
Léodagan: Bah je l’ai connu… Mon père et lui ont jamais pu se blairer. Toute façon ils ont jamais pu blairer personne. Hein, c’est des caractères, qu’on appelle. (sourit)
Ygerne: Il fallait toujours tout cacher, les bonnes nouvelles, les mauvaises… (Mevanwi l’écoute attentivement)
Léodagan: Alors quand il a appris pour Excalibur, il a filé au rocher comme une flèche. Direct de Tintagel sans descendre de selle. Il tente sa chance, ça foire, alors là il a commencé à dégommer tout ce qu’était dans le périmètre, ce qui lui est tombé sous la main quoi. Pour se passer les nerfs, en somme. Toute façon, c’était des types, heu, fallait que ça sorte quoi. (parle avec les mains)
Ygerne: On osait même pas imaginer ce qu’il aurait fait s’il avait appris qu’un enfant de quatre ans avait réussi. (Mevanwi semble touchée par les propos d’Ygerne)
Karadoc: Mais Arthur il est devenu roi à quatre ans?!
Ygerne (exaspérée): Non. Merlin lui a fait replanter l’épée, et l’a ramené à son père adoptif. Pendragon l’aurait tué, sinon.
Léodagan (approuve d’un hochement de tête): Ouais. C’était assez dans le genre du mec en tout cas.
Perceval: Moi ça me file un peu envie de pleurer toutes vos histoires là. (Il baisse la tête et se retient visiblement de pleurer. Léodagan le dévisage et continue de manger. Grand silence autour de la table.)
***
Anton: Un jour je vois, débarquer un grand type, genre druide voyez. Il tenait le gamin par la main.
Fils: Je me souviens plus de tout ça moi. (bruit de bouche)
Anton: On s’en branle. Et, le gamin il me regarde et il me dit, heu, vous savez ce que c’est des pingouins? (Arthur est dévasté) Non, je lui fais. Des pingouins, c’est des oiseaux qui volent pas, et qui vivent sur la glace. Il était, mignon, ce mome. Intelligent. Et puis curieux, de tout. (sourit, attendri)
Méléagant: Vous l’avez jamais revu?
Anton: Après ils me l’ont repris. (voix étranglée) Pour l’emmener à Rome, pour en faire un soldat. Je leur dis, mais, il est trop petit pour partir là-bas! Et ils l’ont emmené quand même. (blessé)
Méléagant: Quand il était roi ici il est jamais repassé?
Fils: Pas de nouvelles. Même pas eu de lettre, rien. C’est dégueulasse. (Arthur a une mine sombre)
Anton: Parle poliment toi. Qu’est ce qu’on aurait foutu d’une lettre? On sait même pas lire.
Méléagant: C’est bizarre. Quand même.
Anton (hausse les épaules): Un roi, ça a beaucoup de choses à faire. Enfin je suppose. C’est sûr que ça fait mal parce que je me suis toujours considéré comme son père. Du jour où il a débarqué. (désigne son fils d’un mouvement de tête) Alors que celui-là c’est vraiment le mien mais j’ai toujours eu l’impression d’habiter avec un voisin.
Méléagant: Sacré truc les enfants. Pas vrai? (Anton approuve silencieusement) Vous en avez vous? (au roi)
Arthur: Pourquoi vous voulez m’en faire?
Fils: Bah moi j’en aurai jamais.
Anton: Très bien! Ca fera quelques connards de moins dans le paysage. (fixe son verre d’un air malheureux)
***
Perceval: Excusez-moi mais, je vous écoute parler de Pendragon, ce serait pas ce qu’on appelle un gros taré des fois?
Ygerne: Soyez respectueux.
Perceval: Un type à qui il faut planquer son fils pour éviter qu’il le bute? Moi j’appelle ça un gros taré c’est tout.
Ygerne: C’était une autre époque. Vous ne pouvez pas comprendre.
Perceval: A cette époque là j’étais déjà né! Mais, je passais pas mon temps à dérouiller les gens. Alors, bon, j’étais peut-être pas à la mode… (Karadoc fixe son ami, pensif)
Léodagan: Je me souviens de sa tronche le jour où il a appris que c’était un gamin qu’avait retiré l’épée… (parait effrayé à ce souvenir)
Ygerne: Sauf que le petit, il était à Rome. Bien caché dans un camp militaire. Et grâce à qui? Grâce à maman!
Léodagan: Ca, moi je l’ai su qu’après, alors… (geste d’impuissance)
Ygerne: Quand je pense à la façon dont il me traite maintenant, moi qui lui ai sauvé la vie!
Karadoc: Moi il m’a sauvé la vie, et je lui ai jamais dit merci.
Perceval: Moi j’ai voulu lui sauver la vie un jour, mais, il n'était pas en danger. (Léodagan le dévisage) Non je m’étais gourré… (ferme les yeux, dépité)
Mevanwi (toussote): Pédé. (Perceval a l’air choqué et fronce les sourcils. Gros blanc autour de la table.)
***
Le groupe joue aux cartes.
Méléagant: Vous jouez ou vous jouez pas?
Arthur (ton épuisé): Oui je joue oui je joue. Je suis pas, super à fond dans la partie je vous cacherai pas.
Anton: Oui mais ce jeu là il se joue vite sinon c’est chiant.
Fils: En plus y a pas à hésiter pendant une heure hein. Vous avez le trois d’épée vous le jouez, vous l’avez pas, vous passez.
Arthur: Non mais je l’ai pas. (Le roi jette les cartes sur la table et porte la main à sa bouche, au bord de l’implosion.)
Méléagant: C’est quoi ces médaillons là-bas au fond? (gros plan sur une série de médaillons accrochés sur le mur du fond)
Fils: C’est, mon père. (se tourne vers Anton) Qui les fait. (sourit, fier)
Anton: C’est un, passe-temps. (humble) Ca m’évite d’avoir à discuter avec celui-là. (regarde son verre)
Méléagant: Et qu’est ce qu’ils représentent?
Anton: Un peu tout.
Fils: Des, dieux surtout. (Arthur est livide)
Méléagant: Vous en avez un beau vous aussi. Vous voulez pas nous le montrer?
Arthur: Non.
Méléagant: Mais si.
Arthur (soupire lourdement, contient sa colère): C’est à vous de jouer.
Fils: Mais si faites voir! On est des, spécialistes. (sourit et jette un coup d’oeil à son père)
Anton (gentiment): Montrez. (Silence. Arthur écarte les pans du haut de sa veste et révèle ainsi au groupe le médaillon qui est accroché à son cou. Il garde la tête baissée.) Ogma.
Fils: Ogma. Le, le dieu, irlandais?
Méléagant: Le dieu qui terrasse ses ennemis par l’éloquence. Un, joli sujet de médaillon.
Fils: Le, dieu de l’éloquence vous l’avez jamais fait vous père.
Anton (livide): Si. Une fois. Pour un petit garçon qui arrêtait pas de parler. (contemple Arthur avec intensité)
Arthur: Je parle moins maintenant. Je terrasse plus mes ennemis par l’éloquence. Plus je vieillis, plus je ferme ma gueule. Aujourd’hui ce qu’il me faudrait c’est le médaillon d'Harpocrate, avec le doigt sur la bouche, comme ça. (mime le geste) Je suis, (Il secoue la tête et soupire. Il roule des yeux, ne trouvant clairement pas ses mots.) désolé, de jamais être revenu vous voir. (Arthur quitte la table et la maison, laissant le fils et le père désemparés.)
Fils: C’était Arthur? (Silence, son père fixe la porte d'un air hanté.) Qu’est ce qu’on fait? (Méléagant est attentif à leur réaction.)
Anton: On picole. On picole. (se saisit du pichet posé sur la table et remplit son verre, qu’il vide sans attendre) Et on augmente les doses mon petit. On accélère le processus. (Tout en buvant, il dévisage Méléagant. Sur le visage du faux guide se dessine un immense sourire.)
Rédigé par Ellielove pour Kaamelott Hypnoweb